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Les enfants silencieux de Sinjar

Un article rédigé par Clotilde Brossollet - RCF, le 14 février 2024 - Modifié le 14 février 2024
Le point de vue de 7h20Les enfants silencieux de Sinjar, par Clotilde Brossollet

LA CRHONIQUE DE CLOTILDE BROSSOLLET - Depuis que, Nadia Murad a reçu le prix Nobel de la paix en 2018, aux côtés du docteur congolais Denis Mukwege, « pour ses efforts pour mettre fin à l’emploi des violences sexuelles en tant qu’armes de guerre », les Yézidis ne font plus beaucoup parler d’eux. 

Clotilde Brossollet ©Claudia CorbiClotilde Brossollet ©Claudia Corbi

Cette minorité confessionnelle kurdophone et endogame, appartient aux populations les plus anciennes de Mésopotamie. Sa religion monothéiste, issue de la Perse antique, se transmet oralement. Souvent diabolisés, les Yézidis ont toujours été persécutés et les conditions de leur génocide étaient réunies bien avant l’offensive des djihadistes de l’État islamique dans la région.

La prise de leur bastion Sinjâr par les hommes de Daesh, le 3 août 2014, les avait contraints à fuir dans les montagnes où une grande partie d’entre eux était morte de faim et de soif. Nadia Murad est devenue l’emblème de la persécution de son peuple par l’État islamique. Enlevée puis conduite à Mossoul, contrainte de renier sa foi, elle avait connu, pendant de longs mois, la torture, les viols collectifs… Mariée de force, elle avait été vendue puis revendues sur les marchés aux esclaves de la capitale du califat. Parvenue à s’échapper, elle avait alors rejoint le Kurdistan irakien où elle avait appris la mort de six de ses frères et de sa mère. 

 

 

Les Yézidis, pas totalement tombés dans l’oubli

En effet, en janvier 2023, les députés allemands ont reconnu leur génocide par l’État islamique et en juillet suivant, le ministre des Affaires étrangères britannique a parlé « d’actes de génocide ». En Irak, les choses avancent lentement dans le cadre difficile d’un retour à la paix précaire et d’une reconstruction en manque de financements.

Le 1er mars 2021, le Parlement a toutefois voté une loi qui reconnaît le caractère génocidaire des attaques subies par la minorité yézidie et insiste sur le fait que les femmes ont été particulièrement victimes, tout en prévoyant une indemnisation et une réhabilitation des survivantes. 

La situation des femmes enlévées par Daesh

Pour ces femmes, réintégrer la société yézidie ne signifie pas un simple retour à la maison. La marque du viol est une tache indélébile et la tradition excommunie les femmes qui se marient en dehors de leur communauté. Les femmes enlevées n’ont pu rentrer chez elles que parce que leur ancien guide religieux avait exceptionnellement levé cette loi, pour les survivantes.

Mais pour une minorité dont l’appartenance se transmet par le sang des deux parents, les réticences traditionnelles persistent. Ce retour est encore bien plus difficile pour celles qui ont eu un enfant des viols qu’elles ont subis. Pour garder leurs enfants avec elles, ces femmes sont condamnées à être bannies de leur communauté. Certaines choisissent même de rester avec leur violeur et leur famille… Loin des caméras occidentales, la souffrance des femmes yézidies perdure donc. 

Le point de vue de 7h20Les enfants silencieux de Sinjar, par Clotilde Brossollet

Pourtant, une femme, une journaliste belge, vient d’obtenir, sans faire beaucoup de bruit, – car seul Le Figaro, lui a consacré un article —, « le Prix pour les femmes dans les médias », au Festival international des documentaires de Biarritz, pour son documentaire Hawar, nos enfants bannis. En 2014, Pascale Bourgaux avait réalisé un premier reportage sur les marchés d’esclaves sexuelles et les viols des femmes yézidies. « Il ne fallait pas avoir fait dix ans de médecine pour savoir que des femmes allaient tomber enceintes. Pendant huit ans, j’ai recherché ces enfants invisibilisés. Je ne pensais pas que ce serait aussi long et difficile. Aucune autorité, kurde, irakienne, religieux yézidis, ne souhaitait lever le tabou d’un abandon systématique et organisé. Mais nous sommes finalement arrivés à trouver des témoins. »

Aujourd’hui, aucune diffusion en salle n’est prévue et aucune plate-forme de vidéo ne s’est intéressée à ce documentaire, condamnant au silence et à l’oubli le martyre des femmes yézidies et le bannissement de leurs enfants nés de Daesh. 
 

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