J’avais envie ce matin de vous parler de deux livres tout fraichement publiés. Leur point commun : ils sont écrits par des hommes, pères charnels, adoptifs ou spirituels.
Le premier, "Nous, pères qui sommes sur terre", est un recueil de témoignages de douze personnalités. Chaque histoire est évidemment singulière. Certains ont choisi d’écrire un dialogue avec l’un de leurs enfants. Comme l’artiste Xavier Goulard qui discute avec sa fille, Marlène, sur son passage de fils blessé à père aimant, lui qui a dû rompre ce qu’on voit trop souvent comme une fatalité, à savoir : être un parent maltraitant quand on a été soi-même un enfant maltraité.
Il y a aussi Pierre Durieux, qui répond de manière poignante à des questions de son fils. Pour lui, ce qui a manqué à l’Eglise ces dernières années tourmentées, c’est de n’avoir pas pleuré avec les victimes, pour les victimes, auprès des victimes. Comme Judas après sa trahison, Marie au pied de la Croix, Pierre après son reniement, et Jésus lui-même, sur Lazare et sur Jérusalem. Comme Charles Péguy il parle de ces "larmes d’amour qui dureront plus longtemps que les étoiles du Ciel", jusqu’à ce jour où "Dieu essuiera toute larme".
Il y aussi Nicolas Noel qui se confie sur la mort de son père et l’adoption de ses trois enfants porteurs de handicap. On y retrouve aussi l’ancien président de VITA, François-Xavier Peres qui nous emmène sur son itinéraire "d’enfant gâté", le parcours d’adoption quasi providentielle de sa fille Eve-Marie. On y découvre aussi de très beaux textes de l’avocat Henri de Beauregard et de François Morinière, père endeuillé de Sophie, décédée aux JMJ de Rio et qui avait émue la planète, jusqu’au pape.
Et Jean-Luc Moens, qui conclue ses pages avec l’achèvement de sa vocation de père : "enfanter ses enfants au Ciel". Détail touchant : tous les droits d’auteurs sont reversés à une association qui héberge des femmes enceintes en difficulté.
L’autre pépite nous vient de Martin Steffens avec un petit bouquin merveilleux chez Salvator qui associe, comme ce philosophe sait si bien le faire, la profondeur et la légèreté, le tragique et l’humour. Et l’amour. En une cinquantaine d’épisodes pleins de sagesse et de poésie il évoque ce que c’est, que d’être père.
On dirait parfois du slam : "Etre père, c’est être percé, percé à jour, persécuté, persévérant…" Plein d’autodérision, Martin sait être ce père qui se conjugue à l’imparfait… La paternité, dit-il, est moins un savoir-faire qu’un savoir-ne-pas-faire. Devenir père, ce n’est pas se ranger, mais accepter par avance, pour le meilleur et le restant de ses jours, de se laisser déranger. Etre père c’est dire de ses enfants qu’ils sont "les siens", afin que leur échappée ait un lieu de départ, car ce sont bien les mêmes bras qui en prennent soin et les enlacent, et qui un jour, crucifiés, les laissent s’envoler…
Blanche Streb est essayiste, chroniqueuse, conférencière, auteure de "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018). Elle est aussi directrice de la Formation et de la recherche d’Alliance Vita. Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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