A Calais, deux militants associatifs, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein, poursuivent leur grève de la faim entamée il y a près d’un mois pour dénoncer l’attitude des autorités publiques à l’égard des migrants.
On sait que depuis la fermeture des frontières avec le Royaume-Uni, il est devenu beaucoup plus compliqué et dangereux pour les migrants de se rendre en Grande Bretagne. Le nombre de personnes qui tentaient de rejoindre le Royaume-Uni en traversant la Manche en 2018 était de 600. En 2021, il est de 18.000. En conséquence, les opérations de sauvetage se multiplient ces derniers jours au large de Calais.
Mais le 3 novembre dernier, un migrant est décédé, un autre a été porté disparu et plus de 400 ont été secourus en mer à la suite de naufrages de plusieurs embarcations de fortune. Ajoutons à cette situation dramatique, la stratégie complètement inadaptée de l’Etat français qui consiste à détruire quotidiennement les campements et à confisquer les affaires personnelles des migrants. La députée du Nord Jennifer de Temmerman a dénoncé, à juste titre, cette attitude comme inhospitalière et inefficace.
Dans le livre qui paraît ce mois-ci aux éditions Hermann, "Votez Fraternité ! 30 propositions pour une société plus juste" (Votez fraternité ! Trente propositions pour une société plus juste - Collège des Bernardins (collegedesbernardins.fr), un collectif d’auteurs réunis par le Collège des Bernardins propose que l’Etat français se mette au service de l’idéal de l’amitié sociale et de la fraternité. Cet idéal n’est pas contradictoire avec l’exigence d’assurer une bonne gestion et la protection de tous les citoyens. Au contraire, plus la République respectera ses propres principes et plus elle sera en mesure de mettre en œuvre un Etat de droit.
Plus spécifiquement, sur la question de l’accueil des migrants, les auteurs du livre font trois grandes propositions d’inspiration personnaliste : tout d’abord il convient pour eux de soutenir le projet de réforme de la Commission Européenne sur le système de gestion de l’asile. Ce projet prévoit d’accélérer les procédures d’accueil des migrants avec un traitement des demandes qui soit davantage coordonné au niveau européen. Il répartit la charge d’accueil des migrants au sein de l’ensemble des pays de l’UE et non uniquement les pays frontaliers du Sud. Et il améliore la coordination sur les réadmissions de migrants dans leurs pays d’origine lorsqu’ils sont déboutés de l’asile en privilégiant systématiquement les retours aidés.
Deuxièmement, les auteurs du livre "Votez Fraternité !" proposent de mettre en place une politique d’intégration qui permette d’accompagner le réfugié tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Cela signifie en particulier de créer un système municipal de "parrainage citoyen", sur la base du volontariat, entre citoyens et demandeurs d’asile pour contribuer à l’accompagnement et à la création de repères pour ces derniers dans une société dont ils ignorent souvent beaucoup de choses.
Enfin les auteurs du livre des Bernardins, Votez Fraternité !, proposent, en continuation avec les idées du pape François, de réaffirmer le droit de chacun à vivre dignement dans son pays, de renforcer les voies d’accès légales pour la migration et de renforcer la lutte contre les réseaux de passeurs. Cela implique d’augmenter de façon significative l’aide publique au développement à hauteur de 0,7% du revenu national. Cela signifie aussi de mettre en place une gestion plus coordonnée au niveau européen de la délivrance des visas et de l’aide au développement.
Il y a donc des solutions. En attendant que ces mesures soient mises en œuvre, l’Etat doit commencer par mettre à l’abri tous les migrants.
Antoine Arjakovsky est historien, directeur de recherche au Collège des Bernardins, directeur émérite de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv (Ukraine). Son dernier livre : "Essai de métaphysique œcuménique" (éd. Cerf). Il nous livre son regard sur l'actualité chaque semaine dans la matinale RCF.
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