Le Liban s’enfonce dans les difficultés et les étudiants ne sont pas épargnés par l’inquiétude et le stress qu’elles génèrent. A l’impasse politique, s’ajoute l’incertitude économique. L’accès aux services publics comme la santé, l’éducation, l’eau, les transports, est de plus en plus limité. Devant tant de préoccupations, quelle place peut tenir la foi et comment la pastorale peut-elle l’encourager ?
Assis par petits groupes, des jeunes échangent sur le texte des pèlerins d’Emmaüs. Les uns sont dans l’espace café, les autres dans la salle de prière, d’autres encore dans une salle de réunion. Rien ne les distingue d’une aumônerie de Berlin, ou de Paris. Pourtant, ces étudiants-là n’ont pas un quotidien facile, ils vivent tous une situation difficile : celle que traverse le Liban depuis plusieurs années déjà. Chez les jeunes le taux de chômage s’élève à 58% et l’inflation a grimpé jusqu’à 172% en 2022. Les départs vers l’Europe ou les Etats-Unis sont massifs.
Dans ce contexte, la pastorale des jeunes est presque un oasis. « Ici, les jeunes parlent de choses importantes, et même les discussions les plus simples deviennent profondes. Ici ce n’est pas un club étudiant comme un autre, c’est Jésus qui est là entre nous, tout simplement, et ça change tout » raconte Marie-Belle, étudiante en 3ème année en gestion hôtelière à l’université Saint Joseph. Alors qu’elle s’était éloignée de l’Eglise depuis de longues années, une maladie grave va changer sa vie. « Jésus m’a visitée alors que je vivais un gros problème de santé. Depuis, je retourne à la messe, je le prie chaque soir ».
Elle n’est pas la seule à avoir retrouvé une pratique oubliée pendant plusieurs années. C’est aussi le cas de César, 21 ans. Il a redécouvert la foi cet été, lors d’un camps de jeunes de la pastorale dans son village. « Je les ai rejoint pour une prière. A l’époque, je n’avais pas la paix intérieure et j’avais des choix importants à faire, c’était difficile. Je voudrais dire à ceux qui n’osent pas venir à l’aumônerie, qu’il y a quelqu’un qui les attends, qui est prêt à les aider, et cette personne c’est Jésus ».
Il leur est très difficile de se taire car ce silence les amène à être en face de leur réalité, à voir tout ce qui est dur
Le camp dont parle César est l’un des temps forts de l’année pour la pastorale. Pendant dix jours, ils se retrouvent pour prier, chanter, visiter des lieux forts du Liban. Cette année, ils sont allés le vivre au cœur de la Vallée des Saints. Un temps spécial est consacré à une retraite en silence. « Les jeunes sont très bouleversés par la crise du pays. Il leur est très difficile de se taire car ce silence va les amener à être en face de leur réalité, à voir tout ce qui est dur » explique Marielle Boutros, membre du secrétariat général de la Pastorale, et responsable de la formation. « Dans les circonstances que nous vivons au Liban, ce camp a enflammé nos cœur et nos vies. Partout il y a de la joie, la foi donne de la vie » résume Tatiana.
La pastorale Universitaire est présente à l’Université libanaise et dans six autres Universités catholiques. Au total, le réseau se compose de 27 campus universitaires. Un véritable effort est fait pour mobiliser les jeunes, souvent accaparés par les difficultés, et les jobs étudiants pour y faire face. « Cette génération manque de temps, mais elle est aussi plus réceptive. Ici, nous leur proposons de prendre le temps avec la Parole de Dieu, mais aussi de mener des projets. A la sortie, ils sont plus entreprenant à la fois dans l’Eglise mais aussi dans l’espace public » observe le père Ronny El Gemayel SJ, aumonier national et organisateur du groupe universitaire pastoral avant de reconnaître le soutien indispensable de l’association AED, l’Aide à l’Eglise en Détresse pour faire face aux financements des activités, alors que les comptes ont été bloqués par l’Etat.
Parmi les participants, Maria est justement active dans la pastorale. Elle nous fait visiter « la Maison de la pastorale étudiante », un lieu où se pratique le théâtre, la musique, la prière, les actions de communication. « C’est un endroit où j’apprends à donner, à partager, je gagne beaucoup en confiance car j’ai des responsabilités ici et je dois faire face aux obstacles, mais je vois aussi l’impact de la pastorale. Je sais maintenant qu’on ne peut donner que de ce que l’on a, que ce que l’on expérimente ». A l’évidence une véritable joie rassemblent les étudiants ce soir-là, comme des rescapés chantant dans les décombres, célébrant la vie.
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