Depuis quelques années, le non désir d’enfant est un phénomène grandissant, y compris chez les jeunes adultes chrétiens. Une nouvelle tendance observée essentiellement dans les pays riches, qui bouscule l’Église et la morale chrétienne. Une émission Je pense donc j'agis présentée par Véronique Alzieu et Melchior Gormand.
En 2010, dans une étude de l’Institut national d’études démographiques, 4,3 % des femmes et 6,3 % des hommes révélaient ne pas désirer d’enfant. En 2022, un sondage IFOP indiquait cette fois que 13 % des Françaises âgées de 15 ans et plus préfèrent une vie sans enfants. En cause, les crises environnementales, économiques, géopolitiques ainsi que les 8 milliards d'êtres humains que nous sommes déjà.
Dans la Genèse, Dieu s'adresse à l'homme en ces termes : "Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la". (Gn1-28). Une question qui intéresse particulièrement le père Philippe Bordeyne, président de l'Institut pontifical de théologie Jean Paul II pour les Sciences du mariage et de la famille. "La Bible n’est pas un catalogue de règles et de lois. Il s’agit avant tout d’un récit dans lequel il est souvent question de familles où l’absence d’enfant est une souffrance. Il est vrai que Dieu nous invite à peupler la Terre précise Philippe Bordeyne, mais pour nous chrétiens il est important de lire ces textes à la lumière de l’Évangile. Et si Jésus bénit les enfants pour signifier leur valeur, à aucun moment il ne parle de l’obligation d'en faire".
Parmi les raisons justifiant le non désir d’enfant, il y a bien sûr la surpopulation mondiale. "Dans le texte Gaudium et Spes du concile Vatican II (1965), on note déjà une inquiétude liée à l’accroissement démographique explique Marie-Jo Thiel, médecin et professeur émérite d'éthique à la Faculté de théologie catholique de l'Université de Strasbourg. Aujourd’hui, les textes du magistère et l’interprétation des textes bibliques appellent à un comportement responsable". Pour Véronique Longchamp, directrice du Service national famille et société au sein de la CEF, il y a désormais une ouverture dans l’Église sur le choix des couples à limiter les naissances au sein du foyer. "Car ce n’est pas tout de mettre des enfants au monde dit-elle, il faut ensuite pouvoir les élever dans la dignité et dans une certaine sécurité". "Au sens propre du terme, être responsable signifie répondre de quelque chose complète Marie-Jo Thiel. Faire des enfants rend responsable de leur éducation et des conditions qu’on leur offre pour devenir à leur tour des adultes responsables."
Tout est une question de discernement.
Sabine est une jeune grand-mère et avec son mari, ils fondé une famille nombreuse. "Le vieux moine qui nous a préparé au mariage nous a donné des repères très précieux qui nous ont accompagné tout au long de notre vie de parents raconte-t-elle. Parmi eux, trois critères pour savoir s’il était raisonnable d’avoir un enfant de plus : les enfants déjà nés vont-ils bien ? La situation financière de la famille le permet-elle ? La maman est-elle en bonne santé ? À partir de là, tout est une question de discernement".
Si cette approche lui parait très raisonnable, Véronique Longchamp tient néanmoins à apporter une précision. "Dans un monde anxiogène, beaucoup de parents voudraient tout prévoir et tout maitriser pour leur enfant. Or il est impossible de garantir réussite, confort et bonheur. À moment donné, il faut accepter de faire confiance et oser un pari sur l’avenir". "Nous vivons dans une société où il est difficile d’avoir confiance complète Marie-Jo Thiel. Nous avons du mal à consentir au manque et à la vulnérabilité propres à la condition humaine, or le désir d’enfant se construit aussi en société".
Philippe Bordeyne quant à lui, souligne que ces questions touchent essentiellement les pays riches et qu’en Afrique ou en Asie, l’enfant continue d’être vu comme une bénédiction et un don de Dieu. "Mais le rôle de l’Église est d'écouter les personnes concernées et les raisons qu’elles invoquent", reconnait-il. Une écoute et un accompagnement qui risquent de durer alors que nous sommes près de 8 milliards d’êtres humains sur une planète dont les ressources ne sont pas inépuisables.
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