Le père François Lear est le nouvel abbé de la communauté bénédictine de Maredsous. Quel est son parcours, et sa vision de la vie religieuse, de l'Eglise ? Il dresse plusieurs chantiers qui se présentent à la communauté et nous rappelle que le site est un haut lieu pour le tourisme et l'emploi dans nos régions.
L'abbaye bénédictine de Maredsous dans le diocèse de Namur a son nouveau Père abbé depuis le 19 décembre 2024. Il s'agit du Père François Lear qui était anciennement professeur de religion au collège de l'abbaye de Maredsous. Il succède au Père Bernard Laurent, qui occupera désormais la présidence de l'Alliance Inter-Monastère. Durant cet entretien, nous reviendrons sur le parcours et la vocation du Père François.
Nous tenterons de définir les chantiers qui se présentent à cette communauté bénédictine, installée dans la vallée de la Molignée depuis 1872. Le père abbé donne sa vision de la vie religieuse et de l’Eglise en général.
Père François Lear : C'est la communauté qui choisit son abbé. A l’issue du vote, il faut avoir obtenu les deux tiers des voix. Il n'y a pas de campagne électorale. On ne se propose pas pour devenir Père abbé. Il faudrait être inconscient d'ailleurs.
Je suis là pour servir mes frères.
Je ne m'attendais pas du tout à être élu. Si je suis abbé, c'est parce qu'il y a une communauté. Moi, je suis au service de ma communauté. Ce qui m'inspire c'est Jésus qui lave les pieds de ses apôtres. Celui qui est à un poste de responsabilité, il n'est pas là pour se faire servir, il est là pour servir. Je suis là pour servir mes frères. C'est tout le sens de ma devise : Sollicite conservus, ce qui signifie être au service de Dieu avec mes frères et être au service de mes frères pour le Seigneur. Ça peut être compris de ces deux manières. Il me faut essayer d'être toujours à l'écoute de mes frères. Parfois, même ce qui me semble être un sujet anodin est un sujet important pour mon frère. Je veux le recevoir avec ce qu'il a comme demande, ce qu'il a comme souci, être disponible pour lui.
Texan d’origine, je suis arrivé ici à l'âge de 5 ans, puis j'ai fait mes études. J'avais une vocation de prêtre de paroisse. Un jour, je suis venu participer à un séjour de catéchisme ici à Maredsous - au Moulin, du temps où on y accueillait des groupes. J’aime rappeler cet événement, parce que j'ai eu vraiment un coup de cœur pour le site, pour la communauté bénédictine installée en ces lieux. J’ai trouvé celle-ci formidable et vivante. Par après, je suis venu plusieurs fois à l’abbaye. Bien que j’ai été invité par la communauté à découvrir d’autres abbayes pour discerner, il y avait une attirance prépondérante pour Maredsous dans mon cœur.
Ce serait extraordinaire de faire découvrir toujours plus l'amour de Dieu, à travers Jésus Christ !
P F. L. : Primo, je suis confiant dans le sens que je ne peux pas croire que Maredsous s'arrête. J'espère qu'on aura la grâce d'avoir de nouveaux frères. D'abord il faut que je veille à ce que mes frères plus anciens vieillissent bien, se sentent bien ici, mais en faisant aussi en sorte d'avoir de nouvelles vocations. Cette situation se rencontre dans toute l'Église - malheureusement - mais il faut garder foi en l'avenir. Secundo, du côté des frères, il y a à la fois une ouverture et une peur, donc il faut bien communiquer et bien expliquer aux frères les raisons des changements.
Parmi les grands chantiers, il y a la nomination d’un nouveau directeur général pour nous aider à gérer les aspects financier et matériel de ce grand plateau. Cette gestion devient de plus en plus complexe. Jusqu'à présent, c'est notre communauté elle-même qui gérait les entreprises. Il y aura un changement de conception, de façon dans la manière de voir la gouvernance qui est nécessaire. Il faudra rassurer la communauté et l'encourager à entrer dans cette phase de changement.
Certains critiquent Maredsous pour le tourisme et pour l'aspect économique des lieux. Il faut rappeler que le site génère de l’emploi pour plus de 200 personnes ! c'est aussi de l'emploi dans la région. Je suis très sensible à ce développement économique de la région qui permet à des gens, à des familles, à des étudiants de vivre. Ceci nous oblige à être vigilants pour que les employés soient payés à temps. Nous, religieux, nous avons le privilège d'être dans un lieu extraordinaire, mais celui-ci existe parce que des laïcs travaillent avec nous, et nous leur devons la reconnaissance.
F. L. : Il faudrait certainement faire davantage et on y réfléchit. Comment toucher plus les gens ? Je trouve que déjà, le fait d’avoir un site comme le nôtre (où il n'y a pas de parking payant), où on peut venir avec son pique-nique sans devoir consommer, j'appelle cela un tourisme social et familial. Les gens ne sont pas obligés de consommer, de payer pour venir. Et puis le samedi et le dimanche, je vois quand même beaucoup de familles qui font le trajet du centre d'accueil saint-Joseph vers l'église abbatiale. Donc il y a certainement un effort à faire dans l'église et un effort à faire au centre d'accueil pour montrer qu'il y a une communauté qui est là, qui est vivante. Je suis en train de réfléchir à une journée des familles à Maredsous avec une célébration, des animations, à la fois spirituelles et ludiques. La famille est un thème qui me tient à cœur. D’ailleurs, j'ai souhaité - et le diocèse de Namur également - poursuivre la préparation au mariage.
F. L. : Ce que moi je peux leur dire, c'est de prendre le temps. C'est l'une des qualités monastiques, les moines ont toujours pris du temps. Puis, une valeur dont on ne parle pas assez dans le mariage, c'est le pardon. Il faut savoir demander pardon, le reconnaître quand on a fait une erreur. Je crois que dans toute vie en communauté, s'il n'y a pas le pardon, s'il n'y a pas la charité, la communauté ne peut pas tenir.
D’autre part, je crois que ce qui pose problème à beaucoup de jeunes aujourd'hui, c'est l'engagement dans la durée. On est dans une société de l'éphémère. Il faut que tout change, il faut que tout bouge. Et je crois que c'est ça qui leur fait peur, c'est s'engager dans la durée. Alors que les belles choses et grandes choses ne se font qu'avec le temps.
Si on arrivait à faire plus découvrir que nous sommes aimés de Dieu, ce serait formidable ! Je crois que les gens ne comprennent pas cette importance. Nous sommes cette religion où nous sommes centrés sur le fait que Dieu nous aime en premier, tel que nous sommes. Ce serait extraordinaire de faire découvrir toujours plus l'amour de Dieu, à travers Jésus Christ. Plus j'avance, plus je me dis que ça doit être ça, le centre du message chrétien qui doit nous animer dans nos actions, dans nos paroles. On doit être animé par ce témoignage de l'amour de Dieu, à travers le pardon, l'accueil, l'écoute et le fait d'essayer d'aider les jeunes à donner le meilleur d'eux-mêmes.
J'aime cette phrase de Saint-Benoît dans la règle : que le plus faible ne se décourage pas ; que les plus forts veuillent faire davantage.
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