Ce dimanche 18 décembre, c’est la Journée internationale des migrants. Que répondre à ceux qui disent que les migrants menacent les racines chrétiennes de l’Europe ? De quelles "racines chrétiennes" parle-t-on ? Madeleine Vatel a posé la question à Mgr Olivier Leborgne. Le drame des migrants ne cesse de l’interpeller depuis qu’il est évêque d’Arras. L’an dernier, il a célébré la messe de Noël dans un camp de réfugiés érythréens à Calais. Il vient de publier "Prière pour les temps présents" (éd. Seuil).
Cette année pour l'Avent et Noël, RCF a choisi de s'arrêter sur celui qui nous bouscule : l'étranger, l'exilé. Mais comment entendre ce que ces personnes ont à nous dire ? Ces migrations peuvent-elles avoir un sens théologique ? Découvrez notre programmation spéciale.
Il y a un an, le Secours catholique du Pas-de-Calais a proposé à Mgr Leborgne de dire la messe dans un camp de réfugiés à Calais. L’évêque d’Arras a alors reçu "des pressions politiques pour ne pas y aller". Il y est tout de même allé et il a vécu, dit-il, "un moment de fraternité extraordinaire !" La question des migrants, on en parle le plus souvent de façon politique. Certains évoquent les "racines chrétiennes" de la France et de l’Europe que ces étrangers viendraient menacer.
"Je me méfie un tout petit peu de cette rhétorique, confie l’évêque d’Arras, je la comprends. Nous avons une histoire profondément marquée par le christianisme c’est évident, et le nier, comme ça a pu être fait, me paraît un déni de réalité insupportable." Cependant, cette expression est parfois "récupérée dans une perspective maurrassienne où ce qui intéresse c’est une institution qui tient le territoire, et ce n’est pas la vie vivante de Jésus ressuscité", observe Mgr Leborgne. "Maurras n’avait rien à faire de Jésus !"
Quelles sont-elles, ces racines chrétiennes ? Pour Olivier Leborgne, "le grand témoin des racines chrétiennes de l’Europe c’est Mgr Saliège, archevêque de Toulouse". Le 20 août 42, il a fait lire dans les églises de la ville un texte "dans lequel il rappel juste que l’homme juif ou la femme juive est un frère ou une sœur en humanité créé par Dieu, et qu’on ne peut pas le traiter autrement". Comme le rappelle l’évêque d’Arras, pour faire lire un tel texte à l’époque "il faut un courage"... "Saliège, il a osé dire à un moment je ne peux plus, nous ne pouvons plus nous taire. Les belles racines chrétiennes de la France, elles sont là, elles ne sont pas ailleurs !"
"Pourquoi sommes-nous des vaincus ?", c’est le titre que Mgr Leborgne aurait voulu donner à son livre, qu’il a longuement hésité à écrire. C’est aussi une question que pose Mgr Saliège dans sa lettre. "Il parle de la défaite morale et spirituelle qui fait que la peur nous a complétement enfermés sur nous-mêmes et que nous n’osons plus prendre la parole pour la dignité de la personne humaine – en l’occurrence à l’époque de la personne juive", explique Mgr Leborgne.*
Et si le drame de ces personnes migrantes, souvent abordé sous l'angle politique ou sociétal, avait une portée théologique et spirituelle ? Face au problème politique, "je ne prétends pas avoir une solution", convient Mgr Leborgne. "Je dis simplement que quand vous avez en face de vous une personne humaine, vous avez en face de vous une personne humaine. Et je ne peux pas lui dénier la qualité de personne humaine."
Mgr Leborgne, qui s’est "converti dans l’eucharistie", rappelle le sens de la révélation chrétienne. "On ne peut pas adorer le Saint-Sacrement comme les païens adoraient les divinités, c’est-à-dire on ne peut pas rester à distance, dit-il, le sacré n’est plus dans la distance puisque lui l’a franchie pour me sauver. En lui, le sacré devient union à Dieu et fraternité."
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