Hauts-de-France
Entre 1500 et 1800 personnes sont bloquées à la frontière entre la France et le Royaume-Uni à Calais (Pas-de-Calais). Le nombre de tentatives de traversée de la Manche a franchi un record l’année dernière. Dans l'attente, les conditions de vie sont dramatiques. Les associations aident du mieux qu'elles peuvent.
"Présidentielle : la voix des régions", c'est une série d'émissions spéciales à l'occasion de l'élection présidentielle pour donner la parole aux Français. Du 31 janvier au 8 avril, durant six semaines spéciales, des journalistes du réseau RCF vont sillonner six grandes régions françaises à la rencontre des citoyens, pour entendre leur voix sur des sujets essentiels de la campagne.
Du 4 au 8 avril, la région Hauts-de-France est à l'honneur. Chaque jour dans la Matinale RCF, découvrez un reportage de 7 minutes (à 7h12). Rendez-vous le vendredi 8 avril pour une matinée spéciale (de 6h30 à 11h) en direct de Calais.
C’est sur un terrain vague, à côté d’une zone commerciale qu’est installé un groupe d’hommes, dans un campement de fortune, à Coquelles, juste à côté de Calais, la ville du terminal du tunnel sous la Manche. Les migrants ici viennent du Soudan, d’Erythrée, du Nigeria ou encore du Koweït. Malgré de grosses rafales de vent, certains jouent au foot, d’autres écoutent de la musique, rassemblés autour d’une enceinte.
"Vous savez déjà tout sur ce qu’il se passe ici à Calais", nous répond un homme lorsqu'on lui demande de nous raconter ses conditions de vie.
À 10 minutes en voiture, le centre-ville de Calais. Dans les rues, les habitants connaissent la situation depuis des années. Ceux que nous avons croisés s’en désolent, mais la présence des migrants ne les gêne pas au quotidien. "Ce sont des gens malheureux. Nous on a un appartement, on est au chaud. Mais quand il pleut, ils sont dans la misère", affirme Monique, une Calaisienne.
D’autres habitants s’investissent et tentent de les aider régulièrement. Comme Hubert, Calaisien depuis 30 ans, croisé quelques mètres plus loin. "On se sent bien avec les migrants. Quand on les croise, qu'on leur sourit et leur dit bonjour, on a en retour un vrai sourire. Il y a de beaux échanges qui se font", confie-t-il.
Les associations se mobilisent à Calais, comme le Secours catholique qui apporte à manger, à boire mais aussi des vêtements, des tentes et des couvertures. Les 80 bénévoles se relaient aussi pour accueillir dans leurs locaux les migrants, qui peuvent par exemple charger leurs téléphones. Mais aussi partager des moments conviviaux.
C'est dans cet esprit qu'est née la "Calais Border Broadcast" l’année dernière. Les migrants y prennent part eux-mêmes en animant certaines émissions. L’antenne leur permet de s’exprimer mais aussi d’informer des futures maraudes, ou de l’actualité de la ville. C’est disponible sur WhatsApp, Facebook et Youtube. Aux commandes, Iseult, 24 ans, en service civique. "C'est un moment chaleureux, de partage et gratuit. Ce projet sort de l'urgence et fait du bien. Il permet aussi un accès à l'information si important, et de valoriser des personnes qui ont un super talent. C'est un bon moment fraternel", sourit la jeune femme.
Des moments de vie indispensables qui permettent aux exilés d’échapper à des conditions de vie dramatiques. Ils doivent faire face aux expulsions quasi quotidiennes. "C'est quelque chose de très violent. C'est un moment où la police vient, déloge les personnes et quand elles ne sont pas là, confisquent les affaires", se désole Juliette Delaplace, en charge de l’action du secours catholique à Calais.
"Il y a des moyens humains et financiers énormes qui sont mis dans le contrôle de cette frontière. De la même manière que la lutte contre les points de fixation n'empêche pas la présence de personnes exilées, le renforcement de la frontière n'empêche pas les passages mais les rend extrêmement dangereux", poursuit-elle.
Le Secours catholique, à l'instar des autres associations, peine de plus en plus à apporter son aide, à cause d'arrêtés préfectoraux. L’un des derniers en date : une amende de 1000 € pour toute association qui distribue à manger et à boire aux migrants.
Toutes les personnes exilées ici devraient avoir le droit à l'hébergement quelle que soit leur nationalité et leur situation administrative
Par ailleurs, la colère grandit également chez les bénévoles depuis le début de la guerre en Ukraine. Ils dénoncent un "deux poids, deux mesures" entre l’aide accordée aux réfugiés ukrainiens et le manque de considération pour les migrants à Calais. "Ici le premier sentiment ça a été la solidarité avec les personnes ukrainiennes à tel point que sur Facebook ils avaient mis le drapeau ukrainien. Mais quand ils ont vu la différence de traitement entre eux et les Ukrainiens, beaucoup ont dit que c'était l'humiliation de trop. Ça les a remué intimement. [...] Toutes les personnes exilées ici devraient avoir le droit à l'hébergement quelle que soit leur nationalité et leur situation administrative", affirme Juliette Delaplace.
Les associations sur place ne vont pas baisser les bras pour autant. "Si on perd l'espoir, on ne vient plus à Calais parce que c'est tellement désespérant, horrible et inhumain. L'injustice est tellement visible chaque jour... Il faut se redire tout le temps que c'est pas normal qu'il y ait des personnes qui meurent à la frontière. Le danger c'est de s'habituer", estime Iseult, bénévole.
Le Secours catholique, toujours à la recherche de dons pour mener à bien leur projet de fraternité. Toutes les informations sont à retrouver sur leur site.
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