"L'enfer c’est les autres", a dit Sartre. L'évangile de ce dimanche dit tout le contraire ! Jésus parle d'un homme riche, qui vit dans le luxe et ne connaît pas le manque. Rapidement, celui-ci va comprendre que l’enfer c’est de vivre dans le cercle fermé d’une jouissance à répétition. C'est être incapable de reconnaître l'existence d'un autre... Explications d'Agnès Von Kirchbach, pasteur de l'Église protestante de France (ÉPUdF).
Évangile du dimanche 25 septembre (Lc 16, 19-31)
« Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.
Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : “Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise.
– Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.”
Le riche répliqua : “Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !” Abraham lui dit : “Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent !
– Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.” Abraham répondit : “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.” »
Source : AELF
Une fois de plus, Jésus utilise une parabole pour s'adresser aux pharisiens. En faisait appel au conte, il ne s'adresse pas directement à eux. Pour Agnès Von Kirchbach, c'est la manière qu'a Jésus de "donner une chance à ceux qui l'écoutent avec une certaine raideur intérieure de faire une ouverture, d'entendre quelque chose qu'il n'avaient pas vraiment envie d'entendre".
Dans ce texte, on a d'un côté, un homme riche qui ne connaît pas le manque, de l'autre un pauvre malade nommé Lazare - un nom qui signifie "Dieu est mon secours" ou "Dieu a été mon secours". Ainsi, là où l'un porte un nom qui indique une relation, l'autre, l'homme riche, n'a que de liens qu'avec des propriétés. Il y a comme une clôture entre deux mondes : celui du plein, où il n'y a pas de place pour le manque et celui où l'on désire éperdument. Agnès Von Kirchbach identifie chez Lazare "un abime de désir non assouvi".
Après sa mort, l'homme riche semble enfin remarquer l'existence de Lazare. Ce pauvre homme malade qu'il ne voyait pas de son vivant, l'homme riche avait "fait le choix de ne pas l'intégrer dans sa vie quotidienne", selon la pasteure. Ainsi, ce texte apporte une nuance à l'idée selon laquelle les riches iront en enfer. Ce qui relève d'une "simplification outrancière", pour Agnès Von Kirchbach ! "Ce n'est pas du tout l'intérêt de la parabole !" Pour elle, le Christ nous dit ceci : "Ce que tu vois sans l'intégrer pour faire sens à ta vie c'est vraiment un gaspillage de l'essentiel de ton humanité."
Ce texte nous apprend que l'on peut être riche et ne pas voir l'autre, que l'on on peut être pauvre et ne pas voir l'autre. Ainsi, contrairement à ce que l'on comprend un peu trop rapidement, le Christ ne condamne pas la richesse. Il invite à s'interroger. À se demander comment est-ce que l'on possède ce qui est à notre disposition.
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