Madeleine Delbrêl et ses équipières ont fait de leur grande maison d'Ivry-sur-Seine un lieu d'improbables rencontres entre communistes et catholiques, un lieu de joie, de fête, de prière et d'écoute. A travers des témoignages forts, nous suivons l'expérience spirituelle de Madeleine Delbrel, dans les années soixante en banlieue parisienne. Un reportage de Madeleine Vatel à écouter en podcast.
Quand Dany évoque les années yéyé, c’est étonnamment dans la maison de Madeleine Delbrêl qu’elle a ses meilleurs souvenirs. Agée de 20 ans, elle loue une chambre rue Raspail à Ivry-sur-Seine. La ville est alors un bastion d’usines, de luttes ouvrières, dirigée par le parti communiste. Pourtant, c’est dans ces années 30 que Madeleine Delbrêl, poète, mystique, et assistante sociale y ouvre une maison avec Suzanne et Hélène. Les équipières catholiques et laïques seront bientôt plus nombreuses encore : ici on prie, on chante, et surtout les portes sont ouvertes jusque très tard, et à tous. « Madeleine Delbrel aimait la jeunesse. Qu’elle soit communiste, athée ou croyante. Les jeunes venaient discuter, refaire le monde et danser chez elle » se souvient celle que tout le quartier appelle Dany, quatre-vingt ans et venue vivre trois ans dans la grande maison aujourd’hui ouverte au public.
Madeleine Delbrel aimait la jeunesse. Qu’elle soit communiste, athée ou croyante
L’abbé Lorenzo encourage ce qui est alors nouveau à l’époque : consacrer sa vie à Dieu, comme laïque, au cœur du monde ouvrier, et croire que le dialogue entre militants athées et femmes catholiques est possible. « Madeleine Delbrel était attentive à ceux qui l’entouraient, ou qui passaient, et son modèle d’une équipe de femmes était en effet assez atypique. Pour autant, elle ne partageait pas la vie des ouvriers, en étant à l’usine même, comme d’autres l’ont fait » précise Michèle Rault Ancienne Conservatrice en chef du patrimoine pour la ville d’Ivry, historienne, et auteur du livre « Les missionnaires de l'ombre. Femmes catholiques engagées dans le monde ouvrier et rural. 1940-2000 » publié aux éditions du CERF. Dans les archives dont s’occupe Michèle Rault, sont conservés des photographies, des objets, des documents sonores qui racontent sa présence auprès des personnes les plus pauvres du quartier. «Madeleine Delbrel avait le souci de garder ses souvenirs » note Michèle Rault, montrant des photographies de cette jeune femme dynamique et pétillante, avec des scouts, ou en train de coudre avec ses équipières.
Parmi ces archives, des kilomètres de cahiers remplis de son écriture, ou sténographiés par l’une de ses équipières. « Madeleine Delbrel a laissé de très très nombreux écrits, une correspondance impressionnante, des poèmes, des textes, des prières » souligne Gilles François, prêtre du diocèse de Créteil, historien, et postulateur de la cause de béatification de Madeleine Delbrêl. Il a commis plusieurs ouvrages consacrés à cette femme en mission chrétienne au cœur d’Ivry où elle est enterrée. « Elle priait une heure par jour et se rendait à la messe tous les jours. Elle avait un goût particulier pour l’adoration, ou l’eucharistie mais aussi pour la ‘prière dans l’escalier’ ! » s’amuse Gilles François. Il cite cette phrase que Madeleine Delbrel répétait « Pour qui cherche Dieu comme Moïse un escalier peut tenir lieu de Sinaï - à chaque marche de chaque étage ».
Elle avait un goût particulier pour l’adoration, ou l’eucharistie mais aussi pour la ‘prière dans l’escalier’ !
C’est la conviction de Madeleine : la foi se vit dans chacun des actes du quotidien, dans la rue, au cœur d’un café, au milieu des étals d’un marché. « Madeleine disait qu’elle était ‘éblouie par Dieu’, comme nous l’envions et aimerions l’être aussi » admet Martine Mainvielle. Depuis 35 ans, elle passe devant cette maison, où elle a longtemps animé le catéchisme. Elle revient visiter de temps à autre Jean-Christophe et Marie-Noelle Brelle qui habitent et animent désormais la maison devenue un musée et un lieu de rencontre autour de l’Evangile ou du potager. « Madeleine Delbrel était à l’écoute de toute personne, elle aimait les gens dans leur ordinaire. Elle sait ce que nous devons aux autres dans notre propre conversion » se souvient Marie-Noelle. En 2018, le pape François a reconnu Madeleine Delbrêl comme vénérable. « Son texte ‘nous autres, gens des rues’ est un appel à poursuivre la vie de ce lieu dans l’esprit de Madeleine Delbrel, c’est-à-dire expérimenter une fraternité simple, tout en posant la question de Dieu » ajoute Jean-Christophe Brelle, diacre pour la mission de France.
Avec Madeleine Delbrêl, les visiteurs et les lecteurs de ses écrits pourront comprendre comment toute vie chrétienne se trouve face à cette radicalité évangélique et cette question que pose Jésus « M’aimes-tu ? ». A cette question, Madeleine Delbrêl répond « Prier, c’est préférer Dieu ». Une vocation qui marquée par une conversion forte le 29 mars 1924, après des années de doutes et de refus. Quelques semaines avant sa mort, Madeleine Delbrêl déclarait à des étudiants, comment avait débuté cet élan missionnaire d'une vie donnée à Dieu en plein monde. « J'avais été et je suis restée éblouie par Dieu ». Madeleine Delbrêl, a été reconnue vénérable par le pape François en 2018.
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