Alors Père Matthieu on m’a dit que vous avez pris un coup de vieux récemment… c’était votre anniversaire ? vous avez pris une nouvelle dizaine ?
Non David… mon anniversaire c’est le mois prochain… mais j’ai vécu un événement par lequel j’ai mieux compris pourquoi il est juste qu’on m’appelle Père Matthieu comme vous venez de le faire… pour être honnête j’ai toujours pris ce titre avec un peu de détachement sans être trop à l’aise car l’Evangile nous dit clairement que Jésus invite ses disciples à ne pas se faire donner le titre de Maître ou de Père … mais là, ce week-end j’ai mieux compris que ça peut être très pertinent.
C’est vrai que ça fait débat dans l’Eglise. Je connais des prêtres qui apprécie qu’on les appelle « Père ou monsieur l’abbé » alors que d’autres sont visiblement mal à l’aise avec ce titre… mais racontez-nous… quel est cet événement qui a fait que cela a pris sens pour vous ?
Eh bien pour la première fois et j’imagine la seule fois de ma vie, une jeune femme m’a pris le bras comme si j’étais son père pour que je l’amène à l’autel le jour de son mariage.
C’est surprenant en effet… j’imagine que son propre père ne pouvait pas amener cette jeune femme à l’autel… et que c’est pour cela que vous l’avez remplacé… mais comment avez-vous pris cette décision ?
En réalité Cette jeune mariée est orpheline. Son papa puis sa maman sont morts à quelques années d’intervalle alors qu’elle cheminait avec le jeune homme qui est devenu son fiancé puis son mari. En préparant la célébration du mariage quand on a évoqué leur entrée dans l’Eglise, j’ai compris qu’elle redoutait ce moment. Pour elle c’était très important d’être accompagnée à l’autel mais elle ne voyait pas dans sa famille un oncle ou un parent à qui elle pouvait demander… alors je lui ai dit Tu sais dans la liturgie, c’est le prêtre qui qui tient la place du Seigneur qui nous rassemble. Si cela te semble ajusté, tu pourrais me prendre le bras et je t’amènerai à l’autel
Ça a dû la rassurer en effet ! et finalement comment avez-vous vécu ce moment ?
Pour être honnête, J’ai eu plusieurs surprises…d’abord il s’était passé tellement de bouleversements, la date du mariage avait dû être modifiée à cause des confinements… que j’avais oublié et c’est elle qui m’a rappelé « eh vous oubliez pas que je vous prends le bras »… ensuite, moi j’étais dans la symbolique mais pour elle le besoin était physique et elle s’est franchement accrochée à mon bras… et puis en avançant avec elle je me suis détendu, j’ai pensé à ses parents qui devaient la regarder du ciel… et soudain est remontée en moi cette affirmation de la Bible qui dit que le Seigneur est le Père des orphelins…et après l’avoir confiée à son futur mari j’ai rappelé cela à l’assemblée. C’était émouvant et lumineux. En relisant ce moment très fort et très émouvant, je me suis dit qu’à bientôt 46 ans j’ai tout juste l’âge d’un papa qui emmènerai sa fille ainée à l’autel… et surtout j’ai repensé à St Joseph. On dit parfois que St Joseph est sur la terre l’ombre du Père céleste… aujourd’hui je comprends mieux cette paternité spirituelle. Je sais que jamais personne ne m’appellera « papa » mais si on m’appelle « mon père » ça me rappelle le sens profond de ma vocation de prêtre et je l’accueille avec humilité et gratitude !
Le Père Jean-Baptiste Edart est prêtre de la communauté de l'Emmanuel et recteur de la faculté de théologie de l'Université Catholique de l'Ouest et le Père Matthieu Lefrançois est prêtre du Diocèse d'Angers. Une semaine sur deux ils vous proposeront cette carte blanche depuis l'Anjou.
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