Martyr au Tonkin, Théophane a été popularisé par la petite Thérèse qui l'aimait beaucoup.
Je souligne souvent l’amitié qui associe les saints entre eux comme Vincent de Paul et François de Sales, ou Philippe Neri et Charles Borromée. Mais il y a aussi des liens spirituels qui réunissent des saints qui ne sont jamais rencontrés et pourtant, l’un d’entre eux a exercé une influence spirituelle forte sur l’autre. Par exemple, saint Jean Berchmans est attiré par la sainteté de Louis de Gonzague et décide de l’imiter en devenant jésuite et saint.
Un autre exemple très connu est l’admiration que Thérèse de Lisieux a eue pour un jeune prêtre martyr qu’elle appelait « l'angélique Martyr » : saint Théophane Vénard.
Elle admirait son exemple missionnaire, se reconnaissait dans ses écrits dont elle disait :
ce sont mes pensées, mon âme ressemble à la sienne.
Pendant sa maladie, elle avait une image de Théophane accrochée au rideau de son lit dans l’infirmerie du Carmel de Lisieux.
Saint Théophane est aussi le patron que Fidesco a choisi pour ses volontaires sur le terrain. Je salue donc spécialement tous les volontaires Fidesco et je vous souhaite une bonne fête, car la fête de votre saint patron est un peu votre fête à tous !
Jean-Théophane Vénard est né le 21 novembre 1829 à Saint-Loup-sur-Thouet dans les Deux-Sèvres.
À 9 ans, il est profondément touché par la lecture d’un résumé de la vie de Jean-Charles Cornay, décapité au Tonkin le 20 septembre 1837. Le jeune Théophane déclare alors :
Et moi aussi je veux aller au Tonkin ! Et moi aussi je veux mourir martyr !
Théophane fait ses études secondaires au collège de Doué-la-Fontaine où il entre en 1841. Il réussit très bien ses études, c’est là qu’il apprend la mort prématurée de sa maman.
C’est à sa sœur Mélanie qu’il confie son appel au sacerdoce, mais un appel supplémentaire apparaît peu à peu : devenir missionnaire. C’est un appel extrêmement radical car n’oublions pas qu’au XIXème siècle, les missionnaires quittaient définitivement leur famille sans espoir de plus les revoir, et souvent ils mourraient en mission de maladies ou victimes des persécutions.
En attendant, Théophane passe par différents lieux de formation : le petit séminaire de Montmorillon pendant un an pour la philosophie puis le grand séminaire de Poitiers.
Le 3 mars 1851, Théophane entre au séminaire des Missions Étrangères de Paris, au 128 rue du Bac. Il y est très heureux. Il est ordonné prêtre le 5 juin 1852 à Notre Dame de Paris et reçoit pour mission la Chine.
En septembre 1853, il embarque à Anvers et arrive à Hong Kong le 19 mars 1853 : en tout, plus de sept mois de voyage.
À Hong Kong, une déception l’attend. Il n’y a pas de lettre de mission pour lui. Il doit donc rester sur place et se met à étudier le chinois, non sans difficultés ! Finalement, la lettre de mission arrive de Paris : il est envoyé au Tonkin ! Il accueille cette nouvelle avec une immense joie. Il l’écrit à sa famille, et à son ami Dallet, un de ses condisciples MEP qui est en mission en Inde, il confie sa joie de voir le martyre se profiler à l’horizon : « Oh ! cher père Dallet, toutes les fois que la pensée du martyre se présente à moi, elle me fait tressaillir ; c'est la belle et bonne part qui n'est pas donnée à tous… »
Le 26 mai 1854, il embarque sur une jonque de contrebandiers chinois. Il aborde le Tonkin par la baie d’Halong. C’est comme un rêve qui se réalise, même si, dès son entrée au Tonkin, il devient hors-la-loi car il débarque en pleine recrudescence de persécution contre les chrétiens. En effet, le jeune Tü-Düc empereur du Vietnam, dont le Tonkin n'était que la région septentrionale, s’est lancé dans une persécution frénétique contre les chrétiens.
Théophane est affecté au district de VinhTri où réside Mgr Retord, son évêque missionnaire. Dans ce lieu, le vice-roi Hung de Nam-Dinh, beau-père de l’empereur, a décidé de ne pas persécuter les chrétiens en reconnaissance de la guérison obtenue dans le passé par le père Paul Tinh alors qu’il était en train de devenir aveugle.
Contrairement à Hong Kong, Théophane se sent ici chez lui. Il apprend le vietnamien avec facilité. Mais la situation s’envenime en 1857 dans le district de VinhTri. En effet, l’empereur s’étonne de ce qu’aucun chrétien ne soit trouvé dans ce district et il envoie des inspecteurs. Le vice-roi prend peur. Il risque son trône. Alors de bienveillant qu’il était, il devient persécuteur acharné. Il condamne à mort le père Paul Tinh qui l’avait guéri. Plus d’un millier de chrétiens sont martyrisés de la région de Hüng-Yen.
Devant la persécution, les missionnaires s’enfuient. Théophane part pour Hanoï où les persécutions sont moins virulentes. Il vit la vie d’un fugitif, recroquevillé derrière des doubles cloisons ou caché dans des souterrains. Il décrit sa situation avec réalisme dans une lettre à un ancien condisciple : « Vous pourriez demander : Comment ne devenez-vous pas fous ? Toujours enfermés dans l'étroitesse de quatre murs, sous un toit que vous touchez de la main, ayant pour commensaux les araignées, les rats et les crapauds, obligés de toujours parler à voix basse, assaillis chaque jour par de mauvaises nouvelles : prêtres pris, décapités, chrétientés détruites et dispersées au milieu des païens, beaucoup de chrétiens qui apostasient, et ceux qui demeurent fermes envoyés aux montagnes malsaines sur lesquelles ils périssent abandonnés, et cela sans que l'on puisse prévoir quelle en sera la fin, ou plutôt, ne la prévoyant que trop, j'avoue qu'il faut une grâce spéciale pour résister à la tentation du découragement et de la tristesse. Un confrère d'une province voisine m'écrit qu'il y a dix-huit mois qu'il n'a vu le soleil, et sa lettre est datée du royaume des taupes, à dix pieds sous terre... Pour moi, très cher ami, j'ai confiance en Dieu que je consommerai ma course, que je conserverai le dépôt de la Foi, de l'Espérance et de l'Amour, intact ».
Mais cette situation ne peut durer. Le 30 novembre 1860, Théophane est découvert sur dénonciation dans le village de Ke-beo dans la maison d’une vieille femme, derrière une double cloison. Il est amené à la citadelle de Hanoï où il est interrogé par le vice-roi. Ce dernier se montre clément : il fait construire une cage en bambou spacieuse avec une moustiquaire et s’assure que la nourriture soit donnée en abondance au prisonnier. L’empereur est prévenu et on attend son verdict.
Dans sa cage, Théophane écrit ses dernières lettres. Il annonce à son père :
Puisque ma sentence se fait encore attendre, je veux vous adresser un nouvel adieu qui sera probablement le dernier. […] Père et fils se reverront au paradis. Moi, petit éphémère, je m'en vais le premier. Adieu
Le matin du 2 février 1861, la sentence arrive : la mort par décapitation. Le préfet est triste, mais doit faire exécuter la peine. Théophane a 31 ans. Un imposant cortège se met en route vers le Fleuve Rouge. En route, le condamné chante le Magnificat. Arrivé sur le lieu du supplice, Théophane dénude son torse, il s’agenouille pendant qu’on lui lie les mains derrière le dos. Il est souriant. Le bourreau est ivre. Il lève son sabre maladroitement, et il doit s’y reprendre à 5 fois pour exécuter pleinement la sentence.
Théophane est béatifié le 2 mai 1909 par saint Pie X avec 33 martyrs d’Extrême-Orient. La notoriété de Thérèse de Lisieux va le rendre lui aussi célèbre. Il est canonisé par saint Jean-Paul II le 20 juin 1988 avec 117 martyrs du Vietnam.
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