En France, l'Eglise catholique compte environ 30 000 religieux. Certains vivent dans le monde, d'autres dans des monastères. Quelle est la différence entre les religieux dits "contemplatifs" et les religieux "apostoliques" ? Les religieux cloîtrés peuvent-ils garder des liens avec le monde extérieur ? Madeleine Vatel interroge les soeurs clarisses de Poligny sur leur mode de vie. Une communauté de religieuses qui a choisit de se retirer du monde sans pour autant le renier, bien au contraire.
Tous les religieux n'ont pas le même rôle, ni la même vocation. On en différencie deux. Les religieux ou religieuses qu'on appelle "apostoliques" vivent "dans le monde" c'est à dire qu'ils sont insérés dans la société, ont un métier et peuvent circuler librement. Ils vivent souvent en petites communautés et ont une vie rythmée par la prière, la vie fraternelle, l'oraison et la messe. Par exemple, mère Theresa était une religieuse apostolique au service des pauvres en Inde, tout comme le reste la communauté des missionnaires de la Charité.
Les religieux et religieuses dit "contemplatifs" ont, eux, choisi de vivre cloîtrés au sein d'un monastère. La prière est au centre de leur vocation et la vie communautaire y tient une grande place. Sœur Lucia et sœur Anne-Lise que nous entendons au micro de Madeleine Vatel dans cette émission sont des soeurs cloîtrées. Elles ne sortent pas de leur monastère et resterons dans là communauté des moniales jusqu'à la fin de leur vie. Elles racontent pourquoi elles ont choisi cette vie en retrait du monde. Une vie de prières et de silence qui, selon elles, les unies plus que jamais au monde extérieur.
Se couper du monde, ce n’est pas faire abstraction de tout ce qu’on a vécu
Sœur Lucia, sœur Anne-Lise et les 15 autres sœurs du monastère de sainte Claire de Poligny ont toutes une famille, des parents, des frères et sœurs et parfois des neveux et nièces. Un entourage qu’elles aiment profondément mais qu’elles ont volontairement et en toute conscience choisi de quitter pour consacrer leur vie à Dieu. Les sœurs de Poligny ont choisi d’être contemplatives. Pourtant ce n’est pas pour cela que les liens avec le monde extérieur sont coupés. « On est toujours en lien, le lien est autre mais il existe les parloirs donc nos familles viennent nous visiter. Il y a des périodes de l’année, l’Avent et le Carême où il n’y a pas de visites mais en dehors de ça, les familles et les amis peuvent nous visiter » explique sœur Anne-Lise, la mère abbesse du monastère.
Pas de parloir pour sœur Lucia. Elle qui est originaire de Madagascar voit très peu sa famille et ses amis restés dans son pays. Cependant la communauté permet à chacune des sœurs originaires d’un autre pays d’aller voir leur famille tous les cinq ans. Des retrouvailles pendant sept semaines, nécessaires pour ne pas couper le lien avec ses racines. Sinon sœur Lucia appelle sa famille trois fois par an pour les fêtes religieuses importantes. Elle a bien conscience d’être en décalage par rapport aux grands évènements de sa famille. « Il y a une coupure et ça c’est à cause de ma vocation et il y a des grâces de ma vocation qui m’aident à vivre. Il y a tout le temps cet appel du Christ à quitter…et ça oui, ça demande des renoncements et ça demande de s’attacher à Jésus-Christ en premier » explique-t-elle.
Il y a actuellement trois jeunes sœurs à Poligny qui viennent tout juste de prononcer leurs vœux perpétuels ou sont encore en cours de formation. Elles ont fait des études, ont eu des amis mais ont malgré tout choisi de tout quitter pour donner leur vie à Dieu. Il est évidemment possible de garder des amitiés au monastère mais se sont souvent les amitiés profondes qui perdurent. Même si elles se voient moins et s’écrivent peu, sœur Anne-Lise garde une amitié forte avec l’une de ses anciennes collègues, enseignante comme elle : « Il y a quand même des liens très forts qui restent et qui demeurent » constate-t-elle.
On ne sait pas tout, évidemment, mais on en sait assez pour porter ce monde en détresse. Si on prend la guerre en Ukraine, on a des informations, on a pas les images mais on a pas besoin de ça pour vraiment être en communion avec la souffrance que vivent ces personnes
De temps en temps, « même pas tous les mois » précise la mère abbesse, les sœurs de Poligny ont le droit de visionner un film le lundi soir. Des images qui rappellent le monde extérieur, la « vraie » vie, les rues animées, les terrasses et tant d’autres scènes qui paraissent si normales aux citoyens lambdas mais qui ne font plus parties du quotidien des moniales depuis leur entrée au monastère. « On choisit quand même des films qui ne sont pas violents du tout et on précise quel type de film s’est pour éviter…certaines sœurs se connaissent, elles disent « moi je ne vais pas voir ce film » et puis après on relit pour les sœurs les plus jeunes en particulier. Parce qu’en fait se couper du monde, c’est pas faire abstraction de tout ce qu’on a vécu, pour la communauté » explique sœur Anne-Lise. La mère abbesse rappelle qu’il y a un temps de discernement important avant d’intégrer la communauté. Les postulantes en formation prennent le temps de discerner pour aussi appréhender et savoir si elles sont aptes à accepter un rapport au monde extérieur différent. « Ca permet de discerner si on est vraiment appelé, et si on veut vraiment renoncer à tout ça et choisir en liberté. On est pas là dans une prison » rappelle l’abbesse.
Certaines réunions entre sœurs des différentes communautés ont lieu, notamment pour se former ensemble aux métiers qui leur est défini, comptabilité ou encore infirmerie. Ces formations leurs permettent de sortir du couvent. « On sort également pour tout ce qui est santé et pour faire quelques courses » explique soeur Anne-Lise. Pour comprendre ce qui se passe dans le monde, les sœurs lisent certains journaux au quotidien. « On ne sait pas tout, évidemment, mais on en sait assez pour porter ce monde en détresse. Si on prend la guerre en Ukraine, on a des informations, on a pas les images mais on a pas besoin de ça pour vraiment être en communion avec la souffrance que vivent ces personnes » conclut-elle. Un lien avec le monde ajusté, suffisamment pour en faire partir et le porter dans leurs prières sans pour autant se laisser emporter par sa frénésie.
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