"Il n'y a pas d'âme quelconque"

... La crèche, mangeoire pour animaux et pouponnière pour le Fils de Dieu, fut inventée par saint François d’Assise pour exprimer la solidarité de "l’ineffable divin" et de "l’ineffable humain", comme le dit si bien Maurice Zundel.

La rencontre de l’ineffable divin et l’ineffable humain est la révélation de Noël. C’est aussi ce qui, du christianisme, a le plus profondément imprégné l’histoire du monde. C’est de cette rencontre qu’est né un humanisme nouveau qui considère qu’« il n’y a pas d’âme quelconque ; il n’y en a pas dont le prix ne soit réellement infini » (Jacques Madaule, préface à La porte ouverte. Lettres inédites de Paul Claudel à France du Guérand, Les Presses monastiques, La Pierre-Qui-Vire, 1970).

Cette dimension universelle du mystère de Noël m’a été révélé par un médecin agnostique, un pédiatre, qui m’avait accompagné dans l’enfance et l’adolescence. Invité par mes parents à participer à mon ordination sacerdotale à Notre-Dame en 1993, je le rencontrais, vieilli de quelques années, sur le parvis de la cathédrale : "Antoine, tu le sais, je ne suis pas croyant. Mais le mystère de l’Enfant de Noël m’a soutenu dans ma vocation de soignant".

L’Enfant, tout enfant, donc toute personne est don et responsabilité, fragilité et force, promesse et avenir. "Il n’y a pas d’âme quelconque".

L’humanisme né et révélé à Noël – inconnu des régimes politiques antiques d’Europe et d’Asie, et de leur idéal aristocratique – prend soin de toutes les générations et de toutes les personnes. L’humanisme né à Noël ne sacrifie personne aux "premiers de cordée" du capitalisme, ni aux "lendemains qui chantent" du marxisme. Il cherche la participation de tous et le partage des expériences.

Quand une génération, ou quand une personne va mourir dans un monde différent de celui dans lequel elle est née, l’humanisme né à Noël a souci de chacun, fait confiance à chacun, comprend chacun, promeut chacun, aime chacun comme son prochain, et réforme pour cela les institutions existantes et leurs pratiques.

Devant les mutations de toutes sortes qui font entrer l’humanité au XXIème siècle dans un monde nouveau, où la technologie risque de fragmenter la société entre les inclus et les exclus, nous partageons avec tous et pour tous la responsabilité d’une fidélité créatrice à l’humanisme né à Noël. C’est dans cet esprit que, avec quelques amis de toutes origines, nous avons créé il y a trois ans le réseau international UP for Humanness : servir, s’inspirer, chercher ensemble, au-delà des exclusions, les idées et les pratiques nouvelles qui construisent un avenir plus humain.