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La honte

RCF,  -  Modifié le 20 mars 2020
Pour cette image de la semaine, David Groison nous emmène à la frontière grecque, où le coronavirus nous a fait un peu oublié ce qui se passait là bas.
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A première vue, cela ressemble à une photo d’été, une photo de
vacances.
Une vingtaine de garçons en slip, les jambes et le torse nus, autour d’un
grand feu.
Ils se réchauffent. On se dit qu’ils viennent de sauter dans un lac, qu’ils
viennent de plonger dans l’eau et qu’il est temps pour eux de se réchauffer. On est
entre chien et loup, le ciel est encore bleu, mais déjà sombre. La nuit va tomber
sûrement… Derrière eux des arbres, devant, une grande pelouse. On est à la
campagne. Et puis on capte des regards. Ces jeunes gens sont autour du feu, mais
certains se tournent vers nous. Leurs cous se tendent, et ils jettent un œil juste
derrière notre épaule. Dans leurs yeux, aucun amusement : on lit la peur,
l’inquiétude. Non, ils ne viennent pas de s’amuser dans l’eau.

Et il y a une angoisse palpable sur cette photo.
Une angoisse car ils sont en slip. Certains mettent leurs deux mains
devant leurs sexes, comme des petits garçons. Ils ont des corps d’homme, ils ont
vingt ans, mais ils sont saisis dans une grande fragilité. Une angoisse aussi
renforcée par la lumière : un bleu très froid, qui rappelle les petits matins de la
campagne, l’herbe qui durcit. Une angoisse enfin, car à gauche de l’image, un
garçon est là, le seul à être habillé. On ne distingue rien de lui, il a un pull à capuche,
il est en train de couper une branche d’arbre avec un long couteau. On comprend
qu’il est là pour nourrir le feu, mais bon, une arme blanche, c’est inquiétant.
Finalement, on lit la légende, et là, on n’est plus inquiet, on est révolté.

Nous sommes à Erdine en Turquie, et qu’il s’agit de jeunes demandeurs d’asile,
qui ont voulu passer la frontière et entrer en Grèce.
Ils rapportent avoir été battus et
déshabillés par les forces de l’ordre grecques. Vous avez bien entendu, oui
par des policiers ou des douaniers grecs, des Européens. En notre nom, nous
Européens, on les a déshabillés pour stopper leur route, pour les obliger à
rebrousser chemin

Selon le HCR, l’agence de l’ONU chargée des réfugiés, ils sont aujourd’hui 20 000 à
vouloir franchir la frontière terrestre et maritime entre la Turquie et la Grèce.
La
Turquie, pour faire pression sur les Européens, a décidé de ne plus maintenir fermée
cette frontière. Leurs policiers aident même les migrants à traverser la nuit. Et les
Grecs les renvoient à l’aube. 90% des migrants sont renvoyés, et parfois, comme ici,
en slip. Ils viennent du nord-ouest de la Syrie, d’Idlib où une catastrophe humanitaire
est en cours ; ils viennent aussi d’Afghanistan, du Pakistan. On espérait que la
Commission européenne et Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de
garde-côtes, aident la Grèce. En vérité, on ne fait rien et on laisse les Grecs se
comporter de façon odieuse. Oubliant les principes les plus élémentaires de
l’humanité.

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