Commentaire d’Evangile de Jn 14, 6-14
Nombreux sont ceux qui voudraient saluer l’enseignement moral et philosophique de Jésus tout en laissant de côté sa divinité. L’Evangile de Jean est celui qui démontre par excellence qu’il est pourtant impossible de dissocier la personne du Christ, y compris sa divinité, de son enseignement. Plutôt que de détailler un chemin vers Dieu ; de faire part d’une vérité ; de livrer un mystérieux secret de la vie, dans ce passage Jésus se dit être lui-même le chemin, la vérité, et la vie, celui par qui il est possible d’aller vers le Père, à l’exclusion de tout autre moyen et de toute autre personne. Connaître Dieu, c’est apprendre à connaître le Christ ; c’est emprunter ce chemin dans une dynamique de relation. Toujours est-il que cette relation peut nous réserver des surprises.
Comme l’Evangile de Jean en atteste, Philippe a été l’un des tout premiers disciples de Jésus (Jn 1 :43). Il a largement eu le temps de le fréquenter, de le connaître, de développer une relation avec lui. Pourtant, sa demande à ce que Jésus lui montre le Père révèle qu’il n’avait encore rien compris de cette relation indissociable entre celui qu’il a connu depuis tout ce temps, Dieu le Fils devenu un être humain dans la personne de Jésus, et Dieu le Père. On entend l’étonnement de Jésus : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas ? » Nous-mêmes, nous pouvons nous étonner de ce que Philippe soit myope à ce point…
…Pourtant, les occasions dans les Evangiles où les paroles et actions de Jésus ne correspondent pas aux attentes de ceux qui l’entourent, même (ou surtout) des plus pieux d’entre eux, ne manquent pas. Dans une de ses lettres (1 P 2 :6-8), l’apôtre Pierre reprend le langage de l’Ancien Testament pour comparer le Christ non seulement à une pierre d’angle, fondement de la foi, mais aussi à une pierre d’achoppement, susceptible de faire perdre l’équilibre à celui ou celle qui ne l’appréhende pas comme il le faut.
Les Anglais ont un dicton selon lequel « à force de côtoyer quelqu’un, on finit par le mépriser ». Philippe aurait-il été tellement à l’aise aux côtés de Jésus qu’il a fini, malgré les miracles, à penser qu’il l’avait « calculé », comme on dit de nous jours ? Qu’il « connaît son bonhomme » ? Qu’il ne pouvait lui réserver aucune surprise ? C’est là où Jésus le reprend. Philippe pensait avoir tout vu, mais en fait il n’avait rien vu encore. Le Seigneur le met au défi de le connaître de sorte que même lui, Philippe, avec l’aide de l’Esprit, ferait des œuvres encore plus grandes que celles qu’il avait vues jusqu’à là.
Certains d’entre nous, croyants « depuis si longtemps », pensons peut-être aussi avoir tout vu. L’exemple de Philippe est là pour nous rappeler qu’il y a encore et toujours beaucoup plus à voir et à connaître de notre Seigneur, lui qui est lui-même le Chemin, la Vérité, et la Vie.