Commentaire de l’évangile de Matthieu ch 5, 20-26
« Tout homme qui se met en colère contre son frère, qui insulte son frère, le traite de fou devra passer en jugement » : Jésus ne viendrait-il pas ici nous interpeler pour dénoncer, à la racine, le mal qui opère en chacun de nous vis-à-vis de notre semblable ? C’est cette racine qu’il nous faut débusquer pour faire l’effort d’aller l’arracher, avant que le mal ne fasse de gros dégâts en nous et autour de nous. Il en va de notre responsabilité.
Pour vivre la relation à l’autre, au frère, il y a plusieurs façons de se situer :
1) la première attitude est celle-ci : « ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à moi » : je m’impose à toi, tu n’as pas de valeur à mes yeux, je prends tout ce qui est à toi et tu disparais ; c’est aussi l’attitude du non respect de l’intimité de l’autre, de l’envahissement de l’autre, de l’attitude fusionnelle ; cette volonté de puissance, de prestige, de conquête, cette attitude de négation de l’autre va me conduire à la guerre verbale, puis, si je vois en toi un gêneur, pourrait déboucher sur ta suppression de mon paysage…
2) la deuxième attitude s’exprime ainsi : « ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi », donc laisse-moi tranquille et restons chacun chez nous, ainsi il n’y aura pas de conflit. Cette attitude conduit au mutisme dans la communauté de couple, de famille, de groupe : tes histoires, peu m’importe, je pense ce que je veux, je fais comme ça me plaît ; les autres ? Je les laisse tranquille ! C’est une certaine attitude d’indifférence ; elle ne construit rien, car l’homme qui reste enfermé sur lui-même n’aura jamais de frères...
3) la troisième attitude démarre par cette invitation de Jésus qui est l’envers de celle qui nous est naturelle ; ce n’est pas « Si tu as quelque chose contre ton frère, va te réconcilier », mais c’est : « si ton frère a quelque chose contre toi, si ton frère t’en veut, quitte le lieu de célébration où tu te trouves et va d’abord te réconcilier avec ton frère : rétablis l’alliance, rétablis la fraternité ; entre dans l’attitude de compassion et de communion de Jésus qui consiste à dire : « ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à toi » : c’est l’excès de l’amour ; celui qui aime perd apparemment tout, mais c’est le seul chemin que Jésus nous ait laissé : mourir à nous-même… C’est la difficile attitude de l’amour…
D’où cette invitation : « Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui sur cette terre », car quand tu te retrouveras de l’autre côté, à la porte du Royaume, tu seras à nu, sans artifices, pour répondre à Dieu qui te demandera avec douceur : « Est-ce que tu m’aimes ? Est-ce que tu as aimé ton semblable en vérité ? »