Le chef d'orchestre est à mi-chemin entre le meneur d'un collectif, leader charismatique d'une assemblée d'instrumentistes aux talents et aux compétences diverses, et l'artiste qui interprète et fait interpréter l'œuvre d'un autre, avec sensibilité et personnalité. Comment et pourquoi devient-on chef d'orchestre ? Rencontre avec une des rares femmes pratiquant à un niveau international cette profession singulière.
Pour devenir chef d'orchestre, les parcours sont très hétéroclites. "Il y a énormément d'itinéraires possibles", souligne Claire Levacher, une des rares femmes cheffe d'orchestre à voir dirigé des ensembles de niveau international. "Il y a le compositeur qui se met à diriger, comme Pierre Boulez qui a dirigé ses œuvres" détaille-t-elle. "Il y a également l'instrumentiste, par exemple le violon solo qui passe au pupitre, par exemple Emmanuel Krivine, qui à la suite d'un accident ne jouait plus de violons. Il y a également des gens plus généralistes qui ont souhaité être chef d'orchestre dès le départ". Claire Levacher fait partie de cette dernière catégorie.
Mais concrètement, à quoi ressemble le travail de chef d'orchestre ? "La spécificité de notre métier, c'est que nous sommes les seuls à avoir l'ensemble de la partition. Chaque instrumentiste n'ayant qu'une ligne. Il ne lit que sa partie" souligne Claire Levacher. C'est donc au chef qu'incombe la responsabilité de mettre en lien chaque partie individuelle, à en percevoir le "plan global" : "Il faut savoir lire la partition, avec ses données verticales harmoniques" témoigne la cheffe d'orchestre. "C'est ce labyrinthe et cette complexité que le chef d'orchestre doit analyser et synthétiser pour la rendre unique et y mettre son interprétation".
Car la subjectivité et la personnalité du chef est importante, alors même que son rôle semble moins important que celui de l'instrumentiste qui joue. "C'est la part de mystère" rapporte Claire Levacher. Car les chefs sont paradoxalement les seuls à ne pas émettre de son. Alors, pour "communiquer son idée", "il y a les données plus ou moins conscientes qui transparaissent à travers le corps du chef d'orchestre".
Les musiciens doivent s'unir autour d'une idée musicale
Pour cela, le chef doit miser sur la précision de son coup de main. Claire Levacher souligne le paradoxe : "ce geste est assez rudimentaire, si on le compare à la virtuosité d'un instrumentiste, et pour autant il doit incarner et transmettre la complexité de la partition". "La direction d'orchestre n'est pas une chorégraphie sur la musique, mais le geste est plutôt un déclencheur de ce qui est à l'intérieur de notre pensée". Une pensée qui doit être claire, car le métier du chef est "surtout de stimuler un ensemble de musiciens pour qu'ils s'unissent autour d'une idée musicale". Une interview qui donne envie d'écouter ou de réécouter l'habituel concert du nouvel an présenté en direct de Vienne par l'Orchestre Philharmonique de la capitale autrichienne.
Face à l'orchestre, Editions de l'Aube, 15,50 €
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