Alsace
Alors que le patriarche oecuménique était invité à prendre la parole au Conseil de l'Europe le 27 janvier dernier, les représentants des 5 groupes politiques européens ont révélé leur identité chrétienne tandis que d'autres lui ont posé des questions d'ordre spirituel. Si ces attitudes sont inhabituelles au sein de l'institution laïque, elles témoignent de l'évolution d'une mentalité. Décryptage.
Lundi 27 janvier, le patriarche était invité à s'adresser aux 306 députés représentants les 46 pays membres du Conseil de l'Europe, l'hémicycle du Palais de l'Europe a alors été le témoin d'une scène surprenante.
Dans son mot d'accueil précédant le discours du patriarche, le président de l'Assemblée parlementaire a cité un passage des Ecritures, la lettre aux Corinthiens, aussi appelée "l'hymne à l'amour" par les chrétiens : "Je l'ai lue et apprise par coeur, a expliqué Theodoros Roussopoulos. Cet amour c'est ce que nous prônons au sein de notre hémicycle lorsque nous parlons de droits humains et du respect de la démocratie." Les deux hommes grecs se connaissent en effet depuis le début du mandat du patriarche, en 1991.
"Je suis catholique romain et j'appartiens à un groupe aux valeurs profondément chrétiennes" a renchéri Pablo Ibain, le représentant du Parti populaire européen (PPE) quand le président des Conservateurs européens et l'Alliance démocratique (CE/AD) martelait qu'il était "hongrois, protestant, calviniste et presbytérien". Sa question portait sur la situation des communautés chrétiennes persécutées en Europe et au Moyen-Orient, sujet plusieurs fois abordé par le passé au sein de l'hémicycle.
Sans décliner directement leurs convictions religieuses, les autres représentants ont posé des questions d'ordre spirituel, comme l'impact du "développement de l'intelligence artificielle sur les relations humaines et Dieu" portée par Iulian Bulai de l’Alliance des Démocrates et Libéraux (ADLE) pour l’Europe. Si le député roumain a avoué que la question avait été générée par Chat GPT, il est notable que le groupe ait assumé l'avoir conservée telle quelle. De son côté, la grecque Nina Kasimati , représentante de la Gauche unitaire européenne (GUE), a mentionné le 1700e anniversaire du Concile de Nicée avant de demander quelles pouvaient être "les effets internationaux des célébrations sur les relations entre les églises en termes de dialogue et d'unité."
Des prises de positions "non habituelles" dans cette institution laïque, d'après Alfonso Zardi. Pour l'actuel représentant de Pax Christi International auprès du Conseil de l'Europe, la situation n'est pourtant pas liée à la personnalité du responsable orthodoxe. "Il s'agit d'une prise de conscience que pour faire de la politique, il faut l'ancrer dans des valeurs profondes. Cette évolution émane depuis une dizaine d'années dans plusieurs autres instances politiques", analyse l'ancien fonctionnaire au Conseil de l'Europe.
Les invitations des leaders religieux au sein de l'instance européenne ne sont d'ailleurs pas si exceptionnelles. "Le Conseil de l'Europe a progressé sur le terrain de la proposition et de l'encouragement au dialogue interculturel et interreligieux, témoin de cette prise de conscience au niveau institutionnel de l'importance du fait religieux dans la vie sociale."
Le Conseil de l'Europe prend difficilement position sur les questions religieuses, mais encourage un dialogue institutionnel.
De fait, le Conseil de l'Europe avait invité le Pape François à s'adresser aux parlementaires en 2014 (les politiques de l'époque l'avaient gratifiées d'une ovation à son arrivée dans l'hémicycle), quand le Grand Rabbin Israël Meir Lau était présent le 29 janvier 2025 dans le cadre des commémorations des 80 ans de la libération du camp de concentration Auschwitz-Birkenau.
A cela, il faut ajouter qu'actuellement, le Conseil de l'Europe a demandé une réflexion commune pour visibiliser cette prise de conscience, menée conjointement par le Conseil des ministres, l'Assemblée parlementaire et les Organisation Internationales Non-Gouvernementales (OING). "Au sein du Conseil des ministres, cette prise de conscience est réelle, au sein de l'Assemblée parlementaire aussi, affirme Alfonso Zardi.
Une plateforme de dialogue devrait voir le jour courant 2025. Demandé par l'Assemblée parlementaire, cet outil de dialogue avec les institutions laïques, les églises, et les mouvements d'opinion permettrait au fait de croire ou ne pas croire d'être pris en considération dans certaines situations étudiées au Conseil de l'Europe. Auparavant, le Conseil des ministres a demandé à l'Assemblée de préciser le contenu qu'elle appelle de ses voeux.
Chaque semaine, les représentants des églises chrétiennes en Alsace (anglicans, catholiques, évangéliques, orthodoxes et protestants luthériens et réformés ) portent un regard sur l'actualité.
Emission diffusée le jeudi à 12h45 et 19h45, dimanche à 10h.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !