C’est l’un des points phares de la loi immigration qui va être votée solennellement au Sénat ce mardi après-midi : la suppression de l’aide médicale d’État (AME). Mais cet ajout des sénateurs républicains est fortement critiqué par les ONG et les professionnels de santé qui estiment ce dispositif essentiel pour les étrangers en situation irrégulière ayant besoin de soins.
Il s’agit d’une aide garantissant l’accès à un professionnel de santé pour les étrangers en situation irrégulière. L’AME permet une prise en charge d’une partie des soins médicaux, en l’occurrence les soins remboursés à 100% par la sécurité sociale. Pour obtenir cette aide, les personnes concernées doivent remplir un dossier, renouvelable tous les ans. La CPAM donne alors son accord si plusieurs conditions sont respectées. À savoir résider en France depuis plus de trois mois et avoir des revenus inférieurs à 810€ par mois.
Les sénateurs LR et centristes à l’origine de ce nouvel amendement, estiment notamment que l’aide médicale d’état a créé un appel d’air pour l’immigration clandestine et que le dispositif est trop généreux. « Il faut avoir une certaine forme d’équité parce que si vous avez une meilleure prise en charge par l’AME que quand vous êtes salariés, ça pose une vraie difficulté d’équité », affirme Loïc Hervé, vice-président du Sénat (Union centriste).
Selon le sénateur, ce serait une des préoccupations des Français. Or, les études montrent plutôt l’inverse. En effet, d’après un sondage réalisé en septembre et en octobre par l’institut du CSA, pour Médecins du Monde, 6 Français sur 10 sont favorables à l’aide médicale d’État.
Autre argument pointé par les sénateurs : le coût élevé de ce dispositif, évalué à 1,2 milliard d’euros par an. Mais ce chiffre est remis en cause par les ONG qui parle d’un « budget marginal » correspondant à 0,47% du budget de l’assurance maladie.
Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre ne mâche pas ses mots. Pour lui cette décision des sénateurs est « une honte nationale ». Il pointe trois problèmes que pose la suppression de l’AME : un problème d’ordre moral et déontologique d’abord, car refuser de soigner est contraire au serment d’Hippocrate ; un problème d’ordre sanitaire également car lorsque la santé d’un individu est prise en charge tardivement, cela peut entraîner des contaminations selon la pathologie ; enfin cela pose également des questions économiques car plus une maladie est soignée tard, plus cela coûte cher.
À cela s’ajoute un risque « pour le système de santé parce que les personnes quand elles ont besoin de soin en urgence, elles vont s’adresser à l’hôpital or on connaît la difficulté des services hospitaliers et en particulier des services d’urgence », estime Florence Rigal, présidente de Médecins du Monde. A ses yeux, cette proposition est donc davantage « une instrumentalisation politique » plutôt qu’une vraie réponse à l’immigration, que le projet de loi entend réguler.
Les sénateurs ont proposé de remplacer l’aide médical d’Etat par l’AMU, l’aide médicale d’urgence. L’objectif affiché étant de réduire l’accès au soin, sur la base d’un socle recentré sur les maladies graves, les soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive.
Mais pour le moment, rien ne changera tant que le texte ne sera pas voté par l’Assemblée nationale. Sa version remodifiée par les sénateurs doit être présentée à partir du 11 décembre. Si la loi venait alors à être adoptée avec cet amendement sur l’AME, de nombreux professionnels ont d’ores et déjà annoncé qu’ils désobéiraient et continueraient à soigner gratuitement. Ils sont pas moins de 3500 à avoir signé un appel en ce sens.
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