Depuis le début de la guerre en Ukraine il y a maintenant plus de trois mois, la stratégie des Armées françaises et de la Défense nationale, sur le territoire comme ailleurs, est souvent mise sur la table. Alors que le budget français du ministère des Armées ne cesse d’augmenter et atteindra 40,9 milliards d'euros en 2022, selon la Cour des comptes, la montée des menaces rebat les cartes. Quelle armée pour la France, quelle défense, et surtout quelle stratégie ?
L'Ukraine vit aujourd'hui son 97ème jour de guerre. En France, comme ailleurs, on observe le conflit d'un oeil inquiet, tout en comptant nos bouteilles d'huile et nos pots de moutarde. Au-delà de notre habilité à gérer des pénuries plus ou moins factices, on sent bien que ce qui change vraiment c'est notre rapport à la guerre. Celle-ci est en train de s'installer dans notre paysage mental comme aucun conflit auparavant n'avait réussi à le faire que ce soit en Syrie en Irak ou en Bosnie pour les plus proches et les plus récents.
La guerre semble être devenue une évidence sur le continent européen qui s'enorgueillissait de n'avoir pas connu de conflit depuis 70 ans, oubliant un peu vite tous ces combats qui avaient soulevé les Balkans. La guerre est là aux portes de l'Europe, au cœur de l'Europe, crie le président ukrainien. Et l'adversaire n'est ni plus ni moins que l'une des plus grandes puissances militaires du monde.
A notre niveau comme dans les pouvoirs publics, ce conflit interroge. Sommes-nous prêts ? Les Armées sont-elles prêtes. Lors de sa récente prise de fonction, le Chef d'état-major des Armées (CEMA), le général Thierry Burkhard, s'est donné comme feuille de route la préparation des Armées françaises aux conflits de haute intensité. Une nouvelle doctrine militaire est en préparation à ce sujet. Mais il y a ce que l'on écrit sur le papier, et ce que l'on peut faire sur le terrain.
S’agissant du conflit ukrainien, "la guerre majeure d’invasion à l’ancienne, accompagnée de méthodes nouvelles en matière d’information, est de retour en Europe et il va falloir s’y préparer" explique Frédéric Charillon, professeur de Sciences politiques, enseignant à Science po, l'ESSEC et l'Université Clermont Auvergne et auteur de Guerre d’influence, les états à la conquête des esprits (éd. Odile Jacob). Une ancienne forme de guerre donc, mais qui revient. Une forme de guerre à laquelle les forces armées n’étaient plus forcément prêtes à affronter.
En matière de doctrine militaire, Bénédicte Chéron rappelle qu’il y a au fil des années, des moments de débats, notamment au moment de la publication des livres blancs de la Défense, et des lois de programmation militaire. "Là on a une résurgence d’une guerre aux frontières de l’Europe et un projet de conquête territoriale auquel on a été très déshabitué" lance cette historienne, maître de conférences en histoire contemporaine, enseignante à l'ICP.
Cette dernière rappelle que l’expression de haute intensité court dans les couloirs des états-majors depuis des années, bien avant l’Ukraine. "Ces mots recouvrent des réalités stratégiques, tactiques et opérationnelles. La haute intensité suppose une mobilisation de tous les moyens de combat dont on dispose. Cette haute intensité, c’est l’idée que collectivement, on puisse être appelé à se mobiliser, matériellement, moralement et psychologiquement. Ces mots ont enfin une vocation pédagogique, à savoir faire comprendre quelque chose au politique" lance encore Bénédicte Chéron.
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