Châlons-en-Champagne
Une page se tourne pour l'église catholique du Var. Après 25 ans à la tête du diocèse de Fréjus-Toulon, Mgr Dominique Rey a remis sa démission au pape. Démission qui intervient dans un contexte marqué ces dernières années par des tensions avec Rome, au sujet notamment du discernement des vocations. En 2022, le Vatican avait suspendu 10 ordinations sacerdotales et diaconales dans le diocèse. Le Saint-Siège avait ensuite lancé une visite apostolique. Mgr Antoine Hérouard, l'archevêque de Dijon, a mené cette enquête avec Mgr Mercier. Au micro de RCF et Radio Notre-Dame, il revient sur les raisons de la démission de Mgr Rey.
« Le nonce m'a informé que le Saint-Père me demandait de déposer ma charge d'évêque ». Dans un communiqué, Mgr Dominique Rey a annoncé avoir remis, quelques jours plus tôt, sa démission au Saint-Père, « sans que je n’aie eu connaissance d’éléments nouveaux ». Alors, pourquoi Mgr Rey a-t-il été écarté du diocèse de Fréjus-Toulon ? Au lendemain de l'annonce de sa démission, la question se pose.
Ce départ fait pourtant suite à plusieurs années de tensions croissantes avec Rome. En 2022, le Vatican avait suspendu dix ordinations dans le diocèse. Une visite apostolique menée en 2023 par Mgr Antoine Hérouard, archevêque de Dijon, avait mis en lumière des divisions profondes au sein du diocèse.
Invité de la matinale de RCF et Radio Notre-Dame, il rapporte que "le diocèse était assez fracturé, divisé". D'un côté, "Ceux qui mettaient en avant et à juste titre, les réalisations, le dynamisme, la priorité donnée à la mission, la confiance dans les initiatives, la prise de risque, la place des laïcs, le projet, les projets qui ont été conduits tout au long de l'épiscopat". Mais de l'autre, "il y avait aussi ceux qui soulignaient les difficultés créées, les échecs aussi dans l'accueil d'un certain nombre de communautés ou de prêtres, des manques dans le suivi, dans l'accompagnement des personnes, des erreurs sans doute de discernement, et puis la souffrance d'un certain nombre de personnes".
La nomination de Mgr François Touvet comme évêque coadjuteur avec pouvoirs spéciaux, aux côtés de Mgr Rey, avait d'ailleurs été perçue comme une reprise en main par Rome, visant à restaurer l’unité dans le diocèse.
Quand nous avons effectué la visite apostolique en 2023, nous avons vu aussi les divisions assez profondes qui existaient dans ce diocèse
Évêque durant 25 ans, Mgr Rey a incarné une vision audacieuse de l’Église. « C’est quand on laisse la voiture au garage qu’on n’a pas d’accident », affirmait-il encore récemment. Une philosophie qui a pu conduire à des dérives. « Certains choix ont conduit à des catastrophes, alors qu'il y a eu un certain nombre de mises en garde ou de conseils qui ont pu être donnés autour de l'évêque », rapporte Mgr Hérouard.
En particulier, des critiques ont été formulées sur le manque de rigueur dans le discernement des vocations sacerdotales. "Le diocèse de Toulon a eu depuis longtemps, ça avait commencé d'ailleurs avant Mgr Rey, lors de la réouverture du séminaire par Mgr Madec, une politique assez volontariste sur l'accueil de séminaristes", rappelle Mgr Hérouard.
Ce qui peut être reproché, c'est lorsque des choix sont faits qui conduisent à des catastrophes.
"Moi, j'ai quand même été témoin de choses qui m'ont un peu surpris", raconte l'archevêque de Dijon. "Au séminaire de la Castille, il y avait des personnes qui étaient chargées d'organiser matériellement les ordinations chaque année. Ils me disaient que c'était toujours très compliqué. Je disais, pourquoi c'était très compliqué ? Parce qu'on ne savait jamais combien il y avait d'ordonnés". L'ancien secrétaire de la Conférence des Evêques de France y voit là un signe "qu'il y avait quelque chose qui, dans le discernement, ne s'effectuaient pas bien". C'est pour cette raison que le Vatican avait décidé, le 2 juin 2022, de suspendre quatre ordinations diaconales et six ordinations sacerdotales qui devaient être célébrées le 26 juin suivant à Toulon.
Il n'y a pas eu un élément tout à fait décisif qui a fait qu'on a pris une décision. C'est toute une évolution.
Au cours de sa visite apostolique, Mgr Hérouard rapporte avoir vu de la tension autour du chef de l'Eglise Catholique dans le Var. "J'ai vu beaucoup, beaucoup de souffrances chez les collaborateurs les plus directs de l'Évêque ou chez un certain nombre de gens qui étaient en responsabilité dans ce diocèse, en disant, finalement, on ne sait plus très bien où on va, et où on a des difficultés à maintenir un peu un cap, une politique", rapporte-t-il.
Mgr François Touvet, qui prend maintenant la pleine responsabilité du diocèse, devra relever le défi de réunifier une communauté marquée par les fractures.
Mgr Dominique Rey, lui, n'a plus de missions officielles dans l'Eglise. La question de la « seconde vie » des évêques, une fois leur mission épiscopale achevée, reste ouverte et délicate. Mgr Hérouard l’admet : « Il n’y a pas de reclassement automatique. Évidemment, ça dépend aussi de l’âge que l’on a quand on quitte son ministère actif ». À 75 ans, âge canonique de la retraite, beaucoup choisissent de se retirer dans leur diocèse d’origine ou un lieu familial, continuant à servir par la prédication de retraites, des conférences ou des travaux plus personnels.
L'idée qu'un évêque démissionnaire puisse se voir attribuer une paroisse n'est pas extravagante.
Mais pour les évêques contraints de partir plus tôt, souvent dans des circonstances complexes, « c’est parfois plus compliqué », admet-il. Surtout lorsque le départ a été très médiatisé. Quant à l’idée de confier une paroisse à Mgr Dominique Rey, elle n’est pas exclue. « Rien n’est extravagant », affirme Mgr Hérouard, tout en précisant que cela doit être envisagé avec discernement.
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