L'Eglise est femme : le discours du pape à l'Université catholique de Louvain

Un article rédigé par Antoinette Dehin - RCF Bruxelles, le 28 septembre 2024 - Modifié le 28 septembre 2024

Le pape François a rencontré les étudiants de l'Université Catholique de Louvain-la-Neuve ce samedi 28 septembre, après son passage à la KU Leuven la veille. Lors de cette visite pour les 600 ans de l'université, quatre étudiants se sont adressés à lui après le mot d'accueil de la rectrice, François Smets. Le souverain pontife a adressé son discours à l'assemblée dans la Aula Magna remplie. Une cérémonie moderne et dynamique mise en scène, en musique et avec la performance de Geneviève Damas, comédienne, porte-parole des étudiants. 

 

© UCL, captation en direct de la cérémonie à la Aula Magna du 28 septembre.© UCL, captation en direct de la cérémonie à la Aula Magna du 28 septembre.

Le pape François, depuis la “Aula Magna” de l’Université Catholique de Louvain s'est adressé ce samedi 28 septembre après-midi aux étudiants et membres du corps académiques venus à sa rencontre. Un discours traitant de la transition écologique, le pape soutenant que pour qu'un changement se fasse, les intérêts économiques, la violence et l'arrogance, doivent cesser de prévaloir. La place de la femme dans l'Église et dans la société, la sobriété, le rôle de l'université pour les étudiants, des sujets que le pape aborde dans sa parole aux étudiants de l'Université Catholique. 

 

https://www.youtube.com/watch?v=u18G8C5uVEc&ab_channel=1RCFBelgique

 

Chers frères et sœurs, bonjour ! 

 

Merci, Madame la Rectrice, pour vos aimables paroles. Chers étudiants, je suis heureux de vous rencontrer et d’écouter vos réflexions. Je sens dans ces mots de la passion et de l’espérance, du désir de justice, de la recherche de vérité. 

 

Parmi les questions que vous abordez, j’ai été frappé par celle de l’avenir et de l’angoisse. Nous voyons bien combien le mal qui détruit l’environnement et les peuples est violent et arrogant. Il semble ne pas connaitre de frein. La guerre en est l’expression la plus brutale ; comme le sont aussi la corruption et les formes modernes d’esclavage. Parfois, ces maux polluent la religion elle-même qui devient un instrument de domination. Mais c’est un blasphème. L’union des hommes avec Dieu, qui est Amour salvifique, devient un esclavage. Même le nom du Père qui est révélation d’attention devient une expression d’arrogance. Dieu est Père, pas maître ; il est Fils et Frère, pas dictateur ; il est Esprit d’amour, pas de domination.

 

Nous, chrétiens, nous savons que le mal n’a pas le dernier mot, comme on dit, que ses jours sont comptés. Cela n’enlève rien à notre engagement, bien au contraire l’augmente : l’espérance est l’une de nos responsabilités. L’espérance ne déçoit jamais.

 

À ce propos, vous me demandez quelle est la relation entre le christianisme et l’écologie, c’est-à-dire quel est le projet de notre foi concernant la maison commune de toute l’humanité. Je le dirais en trois mots : gratitude, mission, fidélité. 

 

La première attitude est la gratitude car cette maison nous est donnée : nous n’en sommes pas les maitres, nous sommes des hôtes et des pèlerins sur la terre. Le premier à en prendre soin est Dieu : nous sommes avant tout pris en charge par Dieu qui a créé la terre - dit Isaïe - “non pas comme un lieu vide, mais pour qu’elle soit habitée” (cf. IS 45, 18). Et le psaume huitième est plein d’étonnante gratitude : “À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts/ la lune et les étoiles que tu fixas / qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, / le fils d’un homme, que tu en prennes souci ?” (Ps 8, 4-5). Merci, ô Père, pour le ciel étoilé et pour la vie de cet univers !

 

La seconde attitude est celle de la mission : nous sommes dans le monde pour préserver sa beauté et le cultiver pour le bien de tous, en particulier pour la postérité, le prochain dans l’avenir. Voilà le “programme écologique” de l’Église. Mais aucun plan de développement ne pourra réussir si l’arrogance, la violence et la rivalité demeurent dans nos consciences. Il faut aller à la source du problème qui est le cœur de l’homme. C’est de là aussi que vient l’urgence dramatique de la question écologique : de l’indifférence arrogante des puissants qui privilégie toujours l’intérêt économique. L’argent.

“Ma grand-mère me disait tout le temps “le diable rentre tout le temps par tes poches”.

Tant qu’il en sera ainsi, tout appel sera réduit au silence ou ne sera entendu que dans la mesure où il convient au marché. Et tant que le marché restera au premier plan, notre maison commune subira des injustices. La beauté du don exige notre responsabilité : nous sommes des hôtes, pas des despotes. A ce propos, chers étudiants, considérez la culture comme culture du monde, et pas seulement des idées.

 

C’est là que réside le défi du développement intégral qui requiert la troisième attitude : la fidélité. Fidélité à Dieu et à l’homme. Ce développement concerne, en effet, toutes les personnes dans les aspects de leur vie : physique, moral, culturel, sociopolitique ; et toute forme d’oppression et de rejet s’oppose à cela. L’Église dénonce ces abus en s’engageant avant tout dans la conversion de chaque membre, de nous-mêmes, à la justice et à la vérité. En ce sens, le développement intégral fait appel à notre sainteté : il est une vocation à une vie juste et heureuse, pour tous. 

 

L’option à prendre se situe donc entre manipuler la nature et cultiver la nature. À commencer par notre nature humaine - pensons à l’eugénisme, aux organismes cybernétiques, à l’intelligence artificielle -. L’option entre manipuler ou cultiver concerne également notre monde intérieur. 

 

"L'Eglise est femme"

Penser à l’écologie humaine nous amène à toucher un thème qui vous tient à cœur, plus encore à moi et mes prédécesseurs : le rôle de la femme dans l’Église. “J’ai apprécié ce que tu as dit.” (à Geneviève Damas qui l’a interpellé au nom des étudiants de Louvain-la-Neuve). 

Les violences et les injustices pèsent lourd ici, ainsi les préjugés idéologiques. C’est pourquoi, il faut redécouvrir le point de départ : qui est la femme et qui st l’église ? L’Église est le peuple de Dieu, pas une entreprise multinationale. La femme, dans le peuple de Dieu, est fille, sœur, mère. Comme moi, je suis fils, frère, père. Ce sont les relations qui expriment notre être à l’image de Dieu, homme et femme ensemble et non pas séparément. En fait, les femmes et les hommes sont des personnes, et non des individus ; ils sont appelés dès le “commencement” à aimer et à être aimés. Une vocation qui est mission. D’où leur rôle dans la société et dans l’Église (cf. S. Jean-Paul II, Lett. ap. Mulieris dignitatem, n.1).

 

Ce qui caractérise la femme, ce qui est féminin, n’est pas déterminé dans le consensus ou les idéologies. Et la dignité est garantie par une loi originelle, non pas écrite sur le papier, mais dans la chair. La dignité est un bien inestimable, une qualité originelle qu’aucune loi humaine ne peut donner ou enlever. À partir de cette dignité, commune et partagée, la culture chrétienne élabore de manière toujours renouvelée, dans différents contextes, la vocation et la mission de l’homme et de la femme et leur être mutuel, dans la communion. Non pas l’un contre l’autre, dans des revendications opposées, pas de féminisme contre machisme, mais l’un pour l’autre. 

 

Rappelons que la femme est au cœur de l’événement salvifique. C’est par le “oui” de Marie que Dieu en personne vient dans le monde. La femme est accueil fécond, soin, dévouement vital. La femme est plus importante que l’homme, mais c’est moche quand la femme veut faire l’homme. Ouvrons les yeux sur les nombreux exemples quotidiens d’amour, de l’amitié au travail, de l’étude à la responsabilité sociale et ecclésiale ; de la vie conjugale à la maternité, à la virginité, pour le Royaume de Dieu et pour le service. 

 

Vous-même êtes ici pour grandir en tant que femmes et en tant qu’hommes. Vous êtes en marche, en formation en tant que personnes. C’est pourquoi votre parcours académique comprend différents domaines : recherche, amitié, service social, responsabilité civile et politique, expressions artistiques…

 

Je pense à l’expérience que vous vivez chaque jour, dans cette Université Catholique de Louvain, et je partage trois aspects simples et décisifs de la formation : comment étudier ? pourquoi étudier ? pour qui étudier ?

 

Comment étudier : il n’y a pas seulement une méthode, comme dans toute science, mais un style. Chacun peut cultiver le sien. En effet, l’étude est toujours un chemin vers la connaissance de soi. Mais il y a aussi un style commun qui peut être partagé dans la communauté universitaire. On étudie ensemble : grâce à ceux qui ont étudié avant moi - les professeurs, les camarades plus avancés -, avec ceux qui étudient à mes côtés dans la salle de cours. La culture comme la prise en charge de soi implique une prise en charge mutuelle. Il ne faut pas de guerre entre étudiants et professeurs, il faut du dialogue. 

 

Deuxièmement, pourquoi étudier. Il y a une raison qui nous pousse et un but qui nous attire. Il faut qu’ils soient bons, car c’est d’eux que dépend le sens de l’étude, la direction de notre vie. Parfois, j’étudie pour trouver tel genre de travail, mais je finis par vivre en fonction de tel autre. Nous devenons une “marchandise”. On ne vit pas pour travailler, mais on travaille pour vivre ; c’est facile à dire, mais il faut s’engager à le mettre en pratique de manière cohérente.

 

Troisièmement, pour qui étudier. Pour soi-même ? Pour rendre compte aux autres ? Nous étudions pour être en mesure d’éduquer et servir les autres, avant tout par le service de la compétence et de l’autorité. Avant de se demander si étudier sert à quelque chose, préoccupons-nous de servir quelqu’un. Le diplôme universitaire atteste alors d’une capacité pour le bien commun. 

 

Chers étudiants, c’est pour moi une joie de partage ces réflexions avec vous. Et ce faisant, nous percevons qu’il existe une réalité plus grande qui nous éclaire et nous dépasse : la vérité.

C’est quoi la vérité ? Pilates avait posé cette question : “Sans la vérité, la vie perd son sens mais est-ce que sans sens est-ce qu’on perd la vérité?”. La vérité se laisse trouver mais il faut être critique pour pouvoir aller de l’avant. 

Sans vérité, notre vie perd son sens. L’étude a un sens lorsqu’elle cherche la vérité, et en la cherchant, elle comprend que nous sommes faits pour la trouver.

La vérité se laisse trouver : elle est accueillante, elle est disponible, elle est généreuse. Si nous renonçons à chercher ensemble la vérité, l’étude devient un instrument de pouvoir, de contrôle sur les autres. Elle ne sert pas, elle domine.

Je trouve cela triste quand je trouve des universités à travers le monde où on prépare les étudiants à un état d’esprit individualiste, où il n’y a pas d’esprit de communauté, où on les prépare simplement à vivre dans la compétitivité.

Au contraire, la vérité nous rend libres (cf. Jn 8, 32). Voulez-vous la liberté ? Soyez des chercheurs et des témoins de la vérité ! En essayant d’être crédibles et cohérents à travers les choix quotidiens les plus simples. Ainsi, cette Université devient, chaque jour, ce qu’elle veut être, c’est-à-dire une Université catholique ! Aller de l’avant et ne pas rentrer dans les dichotomies idéologues. L’Eglise est femme et ceci va beaucoup nous aider. 

 

Je vous remercie de cette rencontre. Je vous bénis de tout cœur, vous et votre chemin de formation. Et je vous recommande  : n’oubliez pas de prier pour moi. Envoyez-moi des ondes positives si vous ne voulez pas prier, j’en ai besoin.

 

Merci

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