D’après un sondage réalisé par Harris Interactive pour Commstrat, en cas de second tour à l’élection présidentielle, en 2022, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, l’actuel chef de l’Etat obtiendrait 53 % des intentions de vote, contre 47 % pour la présidente du Rassemblement national (RN). "Nous n’avons jamais été positionnés aussi haut dans un sondage, se réjouit Sébastien Chenu, l’un des porte-parole du RN. Cela prouve bien que Marine Le Pen est la seule capable de battre Emmanuel Macron, et qu’elle peut aussi rassembler des hommes et des femmes venus d’autres obédiences politiques."
En 2017, le chef de file de La République en marche (LREM) avait remporté l’élection présidentielle face à Marine Le Pen avec un peu plus de 66 % des suffrages, grâce à ce fameux front républicain. Alors forcément, Prisca Thévenot, l’une des porte-parole de LREM, a tendance à davantage relativiser les derniers sondages. "On parle beaucoup du second tour mais très peu du premier, regrette-t-elle. Or au-delà du front républicain, on assiste à un effritement du pacte démocratique et, en commentant ce second tour, on dit aux Français que le premier va se jouer sans eux. On risque de renforcer le sentiment de lassitude et donc l’abstention."
L’abstention, c’est effectivement le nerf de la guerre : d’après le sondage réalisé par Harris Interactive, en cas de duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, 52 % des électeurs de l’insoumis Jean-Luc Mélenchon préfèreraient s’abstenir ou voter blanc, et donc ne pas respecter le front républicain. Un score presque identique du côté des sympathisants de la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo. "C’est inédit, mais nous avions eu les prémices de cette tendance dès 2017, analyse Jean-Daniel Lévy, directeur-délégué de Harris Interactive. Pour cette dernière présidentielle, un électeur sur quatre ne s’est pas déplacé pour aller voter au second tour, c’est un record absolu d’abstention. Et puis 4 millions de Français se sont déplacés pour déposer un bulletin blanc ou nul dans l’urne."
Cette fois-ci, l’abstention n’avait en tout cas pas permis à Marine Le Pen de l’emporter. Après un débat de l’entre-deux-tours particulièrement chaotique, l’avenir de la présidente du RN était même remis en question. Mais c’était sans compter sur sa solide base d’électeurs. "Même ce débat ne leur a pas paru handicaper les chances de Marine Le Pen, rappelle Jean-Yves Camus, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès. Quoi qu’il en soit, ils veulent une alternance globale, ils veulent 'dégager' l’ensemble de la classe politique. C’est ce qui explique que Marine Le Pen ait reconstitué son capital électoral assez rapidement, d’autant plus qu’elle a eu l’intelligence de reconnaître que ce débat avait été calamiteux, et qu’elle essaie de changer depuis."
Pour autant, Jean-Yves Camus ne croit pas vraiment à un effondrement total du front républicain : "In fine, les Français y réfléchiront à deux fois et se diront qu’il y a tout de même un enjeu majeur, estime ce spécialiste de l’ultradroite. Et puis, si l’on regarde le dernier sondage, Emmanuel Macron ne serait pas si mal élu avec 53% des votes. C’est un score satisfaisant quand on est président sortant, avec un bilan à défendre."
Jean-Daniel Lévy rappelle aussi que tout peut encore basculer, à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle. "On ne connaît pas l’ensemble des protagonistes ni quel sera la tonalité de l’ambiance dans laquelle on sera, souligne le directeur-délégué de Harris Interactive. Mais ce sondage nous renseigne tout de même sur l’état d’esprit du pays qui, aujourd’hui, ne dit pas forcément non au RN, et qui ne voit pas forcément de raison suffisante pour se déplacer et voter contre ce parti." Reste aussi une inconnue majeure, pour le moment : la candidature, ou non,d’Emmanuel Macron à un second mandat.
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