Il est logique que dans le conflit qui déchire le Soudan depuis le 15 avril, l’attention médiatique se focalise sur Khartoum la capitale. Car c’est bien une lutte pour le pouvoir central qui se déroule dans le pays entre deux camps incarnés par deux hommes. Le chef de l’armée, le général al-Burhan d’un côté, et Mohamed Hamdan Dogolo, connu sous le nom de Hemeti de l’autre, chef des Forces de soutien rapide, une unité paramilitaire qui dispose d’un impressionnant effectif de 100.000 hommes.
En dépit de multiples appels internationaux à un cessez-le-feu, les trêves n’ont pas duré. Et le récent accord conclu à l’initiative de l’Arabie saoudite et des États-Unis pour permettre le passage de l’aide humanitaire risque de rester lettre morte tant les deux belligérants semblent déterminer à combattre encore.
S’ils se déroulent pour l’essentiel dans la région de Khartoum, les affrontements n’y sont pas totalement concentrés. Et les violences qui se sont déroulées dans la région du Darfour occidental, à la frontière du Tchad, sont particulièrement inquiétantes si elles devaient se traduire par un enchaînement de tensions entre communautés, et pas seulement entre forces armées instituées.
On se souvient que la région du Darfour a été à partir de 2003 le théâtre d’un conflit extrêmement brutal entre des groupes rebelles qui contestaient la marginalisation des populations non arabes de la région et le gouvernement du dictateur Omar el-Bechir. Pour venir à bout de ces rebelles et combler les carences des troupes régulières, le pouvoir central n’avait pas hésité à armer des milices dans les populations arabes de la région.
Dix ans plus tard, ces milices surnommées Janjawid ont été intégrées dans l’appareil d’État par Omar el-Bechir. Elles sont ainsi devenues les Forces de soutien rapide qui affrontent aujourd’hui l’armée régulière pour la conquête du pouvoir. De leur côté, une partie des anciens groupes rebelles non arabes du Darfour que ces milices devaient réduire ont été réintégrées dans le jeu politique soudanais après la chute du dictateur en avril 2019.
Un accord a même été signé à Juba, au Soudan du Sud, en octobre 2020 avec certains de ces groupes. Et aujourd’hui, le gouverneur de la région du Darfour, Minni Minnawi, est l’un de leurs anciens responsables. Depuis que le conflit a éclaté mi-avril entre l’armée et les Forces de soutien rapides, les anciens rebelles du Darfour ont essayé de s’en tenir à l’écart. En lien avec d’autres forces, comme de grandes tribus de la région ou des chefs religieux, ils se sont efforcés de maintenir un calme relatif dans la région.
Mais les contentieux hérités du conflit des années 2000, des conflits nés autour de la confiscation de terres notamment et des déplacements massifs que les combats de l’époque ont provoqués, sont loin d’être partout soldés. Les affrontements de ces derniers jours à Al-Genaïna, dans la partie la plus occidentale du Darfour, ont opposé des membres de tribus arabes à des Masalits, l’un des groupes non arabes du Darfour.
Si tels affrontements étaient manipulés par les deux factions belligérantes de Khartoum, s’ils conduisaient demain des groupes rebelles à entrer de plain-pied dans le conflit, cela risquerait de déclencher un cycle incontrôlable de combats dans une région, le Darfour, qui a déjà lourdement payé le prix du sang dans le passé.
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