Il rêvait d’une victoire au premier tour. Il faudra finalement en passer par un second. Dimanche, au Brésil, l’ancien président Lula affrontera le président sortant Jair Bolsonaro au second tour de l’élection présidentielle. Les sondages les donnent désormais au coude à coude. Bruno Meyerfeld, journaliste, correspondant du journal Le Monde au Brésil et auteur de "Cauchemar brésilien" (éd. Grasset).
L’ancien président de gauche Lula est arrivé en tête du premier tour mais avec trop peu de voix pour être directement élu. Il affrontera dimanche l’actuel président Jair Bolsonaro, qui, après avoir été distancé dans les sondages, revient à environ 48 % des intentions de vote, contre 52 % pour Lula. Un rattrapage qui s’explique, selon Bruno Meyerfeld, notamment par une base électorale très forte mais aussi par une partie de la population qui rejette fortement la gauche et le parti de Lula et par des aides de l’Etat déployées ces derniers jours pour séduire de nouveaux électeurs.
Pourtant, le bilan de Jair Bolsonaro n’est pas vraiment positif vu de l’extérieur, avec près de 600.000 morts dus au Covid-19, mais aussi le retour de la faim dans le pays et la déforestation grandissante en Amazonie. "Une partie du Brésil s’est détournée de Jair Bolsonaro mais une autre partie est d’accord avec son bilan et pense que le président n’a pas si mal géré la crise du Covid-19. On a toute une partie de la population qui estime que la situation économique est en train de s’améliorer mais c’est très électoraliste", analyse le correspondant du journal Le Monde dans le pays.
Autant de raisons qui portent à croire qu’une réélection du président d’extrême droite est tout à fait possible. "Lula demeure le favori mais un favori fragilisé, sur la défensive", affirme Bruno Meyerfeld. Selon lui, "il faut prendre au sérieux la force du 'bolsonarisme' qui est là pour durer, avec un nombre record de députés ultra-conservateurs ou d’extrême droite. C’est préoccupant et tout ça est lié à la personnalité d’un Jair Bolsonaro qui a été méprisé pris de haut".
Jair Bolsonaro pourrait, en cas de défaite, contester les résultats, après avoir discrédité depuis des mois le système de vote électronique dans le pays. L’incertitude plane sur la forme que cette contestation pourrait prendre. Et sur la résistance des institutions brésiliennes. "C’est le crash test de la démocratie brésilienne ce week-end. On a un Congrès très corrompu, une justice très discréditée. Le problème c’est à quel point Jair Bolsonaro peut utiliser sa force politique pour imposer ses idées", détaille le journaliste.
Selon Bruno Meyerfeld, tout cela révèle que le Brésil, caricaturé pour ses plages, son carnaval, "a en réalité des racines très sombres". "C'est un pays organiquement malade. Et cela montre que le Brésil est un pays complexe et que finalement on avait été un peu éberlué par les années Lula. Un autre Brésil dormait et s’est réveillé avec Jair Bolsonaro", insiste l'auteur de "Cauchemar brésilien" (éd. Grasset).
Un facteur pourrait être déterminant dans l’élection de dimanche : la façon dont Jair Bolsonaro a fait campagne sur la religion. Le président sortant s'est mis en scène dans des églises, instrumentalisant la foi pour attaquer son adversaire. "Sa base électorale est très largement liée aux évangéliques. Il était obligé de faire campagne sur ce thème pour la conserver", explique Bruno Meyerfeld. "On a vu Jair Bolsonaro affirmer que Lula irait jusqu’à fermer les églises, légaliser l’avortement. Cela a forcé Lula à se mettre en scène, avec des pasteurs, à écrire une lettre aux évangéliques", explique-t-il.
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