Après une abstention record à plus de 52% pour le 1e tour des élections législatives, l’enjeu du 2nd tour pourrait mobiliser les électeurs. Ils doivent accorder une majorité aux macronistes ou à la gauche. Mais sera-t-elle absolue ou relative ? Cela aura des conséquences sur l’activité parlementaire des cinq prochaines années.
C’est l’autre épreuve à passer : après la présidentielle en avril, Emmanuel Macron et son camp doivent désormais remporter les élections législatives. "Cela conforte le chef de l’État dans ses fonctions, c’est dans la continuité de sa réélection, analyse la politologue Virginie Martin, professeure-chercheuse à la Kedge Business School. C’est important symboliquement et politiquement, pour qu’il puisse assurer son mandat correctement. Il a besoin de l’Assemblée nationale."
À l’issue du 1e tour, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur (contestés par la gauche), la coalition Ensemble ! est arrivée en tête avec 25,75% des voix, soit 0,1 point devant la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Et d’après les projections de l’Institut Ifop-Fiducial, les candidats macronistes pourraient obtenir entre 265 et 300 sièges. Il en faudrait au moins 289 pour avoir une majorité absolue, et donc pouvoir voter des lois sans forcément négocier avec les autres forces politiques… Ce qui sera impossible en cas de majorité relative.
Autant dire que, face à la Nupes, chaque voix aura son importance pour La République en marche, qui devra compter sur le Modem mais aussi sur Horizons, le parti d’Édouard Philippe. "Il y aura des faiseurs de roi, assure Virginie Martin. Les Républicains vont faire pivot si la majorité est trop relative pour les macronistes. Il y aura forcément des alliances ponctuelles, des accords d’opportunité. La droite est peut-être dans une meilleure position que le Parti socialiste."
Avec 180 à 210 sièges dans l’hémicycle, d’après les dernières projections, la Nupes aura, elle aussi, son mot à dire. "Avec seulement 17 députés, on a déjà beaucoup entendu les Insoumis pendant les premières années du quinquennat précédent, estime Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Lille. Avec davantage d’élus et une majorité qui, quoi qu’il arrive, sera assez fragile pour Emmanuel Macron, la gauche peut donc se faire entendre. Mais aura-t-elle la capacité d’empêcher les politiques annoncées par le président ? C’est moins probable."
Avec toutes ces oppositions, la France va-t-elle rester bloquer pendant cinq ans ? C’est la crainte de certains macronistes : Édouard Philippe estime que ce serait une "folie" d’aboutir à une majorité relative, synonyme, selon le maire du Havre, de "désordre politique qui viendrait s’ajouter à l’instabilité du monde actuel". "On peut tout à fait avoir une majorité relative, continuer à convaincre, à chercher des alliés et des coalitions, répond la politologue Virginie Martin. La plupart des démocraties européennes fonctionnent de cette façon. La nôtre est plus verticale, donc cela peut donner un souffle à l’Assemblée nationale sans coincer le pays. Il va y avoir des débats houleux et nourris, c’est intéressant car le système se présidentialise chaque jour un peu plus."
La seule expérience de majorité relative connue sous la Ve République, hors période de cohabitation, s’est déroulée entre 1988 et 1993, avec François Mitterrand. Son Premier ministre, Michel Rocard, avait alors utilisé 28 fois l’article 49.3 de la Constitution, pour faire adopter des lois sans vote. Mais la révision constitutionnelle de 2008 a limité le recours à cette option "à une seule fois par session parlementaire, sauf loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale", précise Didier Maus. D’après le constitutionnaliste, "on peut diriger avec un gouvernement minoritaire, mais encore faut-il savoir de combien il l’est". "S’il manque moins de dix voix, ce n’est pas très grave parce qu’il y a toujours quelques députés susceptibles de renforcer la majorité, précise Didier Maus. S’il manque 25 sièges, le problème est différent."
Les marges de manœuvre seraient encore plus limitées en cas de cohabitation. La Nupes espère toujours remporter la majorité pour proposer un Premier ministre issu de ses rangs, et en particulier Jean-Luc Mélenchon. Dans ce cas précis, difficile d’imaginer l’Insoumis travailler avec Emmanuel Macron, et de savoir qui aurait le plus d’influence. "Les règles de la cohabitation ne sont pas vraiment codifiées", indique Didier Maus.
La coopération entre le président de la République et le locataire de Matignon dépend "de l’arithmétique politique et de l’étendue de la majorité", selon le constitutionnaliste. "Et puis des rapports personnels qui existent entre les deux, et de la volonté, ou non, du Premier ministre à être candidat à la présidence de la République." Cohabitation, majorité absolue ou relative : ce sont les électeurs qui décideront, ce dimanche 19 juin. Les bureaux de vote ouvriront dès 8h.
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