Élisabeth Borne, ex-ministre du Travail, a été nommée première ministre par Emmanuel Macron lundi. Elle succède donc à Jean Castex qui a passé deux ans à Matignon. Une ministre réputée travailleuse et proche du chef de l’État. Elle est la deuxième femme Première ministre de la Vè République.
C'est suffisamment rare pour le souligner. Plus de 30 ans après la nomination d’Edith Cresson sous François Mitterrand, Elisabeth Borne devient donc la deuxième femme à être nommée Première ministre sous la Vè République. "Je voudrais dédier cette nomination à toutes les petites filles en leur disant 'Allez au bout de vos rêves'", a-t-elle déclaré lundi lors de sa passation de pouvoir avec Jean Castex dans la cour de Matignon avant de poursuivre : "Rien ne doit freiner le combat pour la place des femmes dans notre société".
Mais Elisabeth Borne est avant tout une fidèle parmi les fidèles d’Emmanuel Macron. Elle était ministre depuis 2017 et le début du premier quinquennat du président, d’abord aux Transports, puis à la Transition écologique et enfin au Travail.
Née à Paris, passée par Polytechnique, elle a été préfète de la région Poitou-Charentes, présidente de la RATP, la régie des transports parisiens, mais aussi directrice du cabinet de Ségolène Royal lorsqu’elle était ministre de l’Ecologie. Une Première ministre qui coche donc les cases attendues par Emmanuel Macron : le social et l’écologie.
Elle n’a par contre jamais été élue localement. Mais elle reste, malgré sa nomination, candidate aux élections législatives dans le Calvados. Un scrutin qu’Elisabeth Borne va certainement devoir remporter pour espérer rester à son nouveau poste.
"C'est une technicienne, haut-fonctionnaire. On a un profil un petit peu différent d'Edouard Philippe et Jean Castex. C'est une Polytechnicienne, ingénieure des Ponts. Ce n'est pas Sciences Po ni l'ENA. Elle est habituée des grands corps de l'Etat et des fonctions au plus près de l'Etat, des grandes entreprises et depuis cinq ans habituée du gouvernement", précise Sébastien Michon, sociologue et chercheur au CNRS.
Une Première ministre réputée travailleuse. De nombreux membres de la majorité assurent qu’elle maîtrise très bien ses dossiers. Même son de cloche du côté des syndicats qu’elle a reçus au ministère du Travail. C’est elle qui a mené la contestée réforme de la SNCF en 2018. Elle est aussi connue pour être rude dans son management, très interventionniste avec ses équipes.
Avant d’être nommée ministre il y a cinq ans, elle était une parfaite inconnue du grand public. Elle l’est davantage aujourd’hui mais c’est tout de même un profil relativement effacé qui risque de ne pas avoir beaucoup de manœuvre vis-à-vis d’Emmanuel Macron. "Je pense qu'elle va faire comme Jean Castex et sera là pour mettre en œuvre des politiques décidées à l'Elysée. La concentration du pouvoir à l'Elysée va se confirmer", estime Luc Rouban, politologue au CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences Po.
Elle devra désormais nommer un gouvernement dans les prochains jours. Là encore, pas de quoi s’attendre à de gros changements. "On peut faire le pari que toutes les tendances seront représentées et qu'il y aura un savant dosage entre des techniciens, quelques profils plus politiques et quelques nouveaux mais il y aura aussi des fidèles du chef de l'Etat", avance Sébastien Michon.
Les réactions de l'opposition n'ont pas tardé après la nomination d'Elisabeth Borne. À commencer par Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France insoumise qui se rêve Premier ministre à l’issue des élections législatives a été le premier à réagir hier soir, estimant que "c'est une nouvelle saison de maltraitance sociale et écologique qui commence". Il lui a par ailleurs proposé un débat public.
Marine Le Pen dénonce aussi la volonté d’Emmanuel Macron de poursuivre "sa politique de mépris, de déconstruction de l’Etat, de saccage social, de racket fiscal et de laxisme". Les Verts estiment quant à eux dans un communiqué qu’Elisabeth Borne "partage, avec d’autres, la responsabilité de ces cinq ans de perdus pour le climat".
Elisabeth Borne se revendique en tout cas toujours de gauche. Elle est membre du parti Territoires de progrès, qui représente l’aile gauche de la majorité. Elle a aussi travaillé dans les cabinets de Lionel Jospin, Jack Lang et de Ségolène Royal. En tant que Première ministre, elle risque de faire face à des relations difficiles avec l’opposition. "Etant ingénieure générale des Ponts, elle représente un grand corps qui a toujours été en butte à l'hostilité totale des écologistes par exemple. Elle sera considérée dans le fond comme l'envoyée d'Emmanuel Macron et n'aura pas d'autonomie politique", affirme Luc Rouban.
Déjà des dossiers brûlants sont sur la table d’Elisabeth Borne à Matignon. En premier lieu le pouvoir d’achat, l’épineuse réforme des retraites, un dossier qu’elle connaît très bien, sans oublier le climat.
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