Le spectre de la régionalisation du conflit au Proche-Orient est dans tous les esprits. La guerre à bas bruit qui se joue entre Israël et l'Iran depuis le 7 octobre prend de plus en plus d'ampleur. Désormais, les tensions montent crescendo entre l'État hébreu et le Hezbollah libanais, membre revendiqué de l'axe de la résistance et allié de l'Iran. L'organisation politico-militaire est à la recherche d'un difficile équilibre, entre prêter allégeance à l'Iran et la cause palestinienne, tout en conservant sa légitimité interne auprès de l'opinion publique libanaise. Israël, de son côté, dit se "rapprocher d'une décision concernant la manière d'agir dans la voie militaire" au Sud-Liban.
Guerre Israël-Hamas : jour 200. Depuis le lendemain du 7 octobre, Israël maintient sa pression exercée sur la bande de Gaza, qui ne peut que constater le désespoir humanitaire en cours dans l’enclave palestinienne. Le ministère de la Santé du Hamas rapporte plus de 32 000 morts en territoire palestinien, tandis que les Nations unies évoquent un “enfer humanitaire” à Gaza. Une situation chaotique qui pourrait se révéler d’autant plus “chaotique”, en cas d’offensive de l’armée israélienne à Rafah, ville la plus au sud de la bande de Gaza. Si la pression est toujours plus forte à l’extrême sud, l’hypothèse de voir Tsahal se diriger vers le nord d’Israël et le Liban semble être “une option”, selon les spécialistes interrogés.
Plus que jamais, 200 jours après l’attaque du 7 octobre, le spectre d’une régionalisation du conflit semble dans tous les esprits. En huit mois, l’armée israélienne de Benyamin Netanyahu a multiplié les provocations contre le pays du Cèdre, dépassant à plusieurs reprises la Ligne Bleue, correspondant à la frontière israélo-libanaise. “L’exemple le plus saillant est l’élimination de Saleh al Arouri, numéro 2 du Hamas, dans la banlieue sud de Beyrouth. C’était une attaque ciblée, dans une zone très loin du sud-Liban”, rappelle Didier Leroy, chercheur à l'École royale militaire en Belgique. “C’est évidemment une très grande provocation” survenue début janvier.
L'élimination du numéro 2 du Hamas dans la banlieue sud de Beyrouth [assassinat de Saleh al Arouri début janvier, NDLR] est une très grande provocation
Côté Liban, le Hezbollah, principale organisation politico-militaire du pays, membre revendiqué de l’axe de la résistance palestinienne, allié de l’Iran et des Houthis, n’est pas resté de marbre face à de telles provocations. À plusieurs reprises, le chef du Hezbollah libanais a agité la menace d’une guerre ouverte contre Israël. “Jusque-là, nous continuions à prendre en considération la situation au Liban et les intérêts libanais, mais si une guerre est menée contre le Liban, l’intérêt national sera de mener la guerre jusqu’au bout et sans limites”, avait prévenu dans une allocution mi-février Hassan Nasrallah, à la tête de l’organisation politico-militaire influente au Liban.
Pourtant, face aux multiples provocations d’Israël contre le Liban, les menaces du Hezbollah libanais ne sont restées qu’à l'état de discours. “Le Hezbollah, bien que chiite et dépendant de l'Iran, est avant tout un parti libanais”, assure le général Dominique Trinquand, auteur de Ce qui nous attend publié aux éditions Robert Laffont. “Il n’a pas intérêt à l’écroulement complet du Liban”.
Voir le Liban tomber semble pourtant bien un souhait de son adversaire israélien, Benyamin Netanyahu. En décembre 2023, le Premier ministre de l’État hébreu avait menacé Beyrouth d’un sort similaire à celui de la bande de Gaza. “Ça peut être une tentation, mais ce serait, à mon avis, fatal pour Israël, et catastrophique pour le Liban”, explique Dominique Trinquand. “Il faut se souvenir de l’échec qu’a été la dernière opération en 2006 et de l'incapacité des Israéliens a vraiment contrôler l’action au Liban". Le 12 juillet 2006, après une infiltration d’un commandant du Hezbollah en Israël, l’État hébreux lance une offensive sur le territoire adverse, et bombarde les routes, ponts, aéroports, usines et dépôts de carburants libanais.
Malgré les menaces, “l'intérêt principal du Hezbollah est que le front s’apaise”, assure également Clément Vincent, consultant en géopolitique à l’observatoire des pays arabes. Malgré les tensions qui montent crescendo entre Israël et l’Iran, le Hezbollah espère un cessez-le-feu au Proche-Orient. “Le Hezbollah a subi de lourdes pertes depuis le 7 octobre. Israël a mené une campagne d’assassinats ciblés des cadres du Hezbollah qui s’est révélé très efficace. Le parti souffre de cela”, poursuit le spécialiste qui admet que c’est “paradoxal”. “L’intérêt d’ouvrir le front gazaoui à toute la région est en fait pour l’Iran. Pas pour le Hezbollah”, conclut Clément Vincent.
L'intérêt d'ouvrir le front gazaoui à toute la région est en fait pour l'Iran. Il n'y en a aucun pour le Hezbollah
La réponse du Hezbollah aux provocations israéliennes est “minutieusement calculée”, assure Didier Leroy, chercheur à l'École royale militaire de Belgique. Mener une guerre ouverte à la frontière israélo-libanaise ferait plonger davantage le Liban dans la crise. “On reste en deçà des lignes rouges liées aux règles d'engagements tacites qui sont de mise depuis 2006, aux abords de cette fameuse Ligne Bleue”. Les ripostes du Hezbollah ne se font pas attendre, mais restent géographiquement cantonnées à des zones habituelles comme la Galilée et le plateau du Golan. “Lorsque l’on parle d’escalade dans la région, c’est souvent du côté israélien qu’il y a un palier qui est franchi”, souligne Didier Leroy.
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