Françoise Le Goff a 13 ans quand son père assassine sa mère devant ses yeux. Un traumatisme suivi d’un second, 30 ans plus tard, en 2018, quand le Département de Maine-et-Loire tente de les obliger, elle et sa sœur à payer les frais d’EHPAD de celui qu’elles appellent désormais leur “géniteur”. Suite à cela, elles médiatisent leur histoire et s’engagent contre les violences faites aux femmes et pour la protection des enfants victimes de maltraitance. Leur témoignage est relayé dans un documentaire baptisé “Famille de criminels : les victimes collatérales", diffusé ce mercredi 8 janvier à 22h35 sur France 2.
Elles s’étaient reconstruites après le féminicide de leur mère. Une faute de l’administration est venue réveiller leur traumatisme. En 2018, Françoise et Laurence Le Goff reçoivent un courrier du Département de Maine-et-Loire, qui veut les contraindre à s’acquitter d’une “obligation alimentaire”.
En effet, d’après l’article 205 du Code Civil, chaque enfant majeur a l’obligation d’aider n’importe lequel de ses parents ou de ses beaux-parents, si celui-ci “n’est pas en mesure d’assurer ses besoins fondamentaux (manger, se loger, se soigner, s'habiller...)”.
Dans le cas de Françoise et de sa sœur Laurence, il s’agit de payer les frais d’hébergement en EHPAD de leur père âgé et dépendant. Sauf que les deux sœurs n’ont pas parlé à celui qu’elles appellent leur “géniteur” depuis longtemps, et ne souhaitent pas payer pour l’homme qui a assassiné leur mère et les a durablement traumatisées. “Nous n’avions pas besoin de reparler de notre histoire”, explique Françoise. “Cela a été d’une violence inouïe. Si c’était arrivé à un autre moment de ma vie, ça aurait pu m’achever”.
Pour contester cette décision, les deux sœurs témoignent dans la presse locale. Mais très vite, l’écho de leur histoire résonne nationalement. Françoise et Laurence contactent la députée du Maine-et-Loire Stella Dupont, sont reçues à l’Assemblée Nationale pour échanger avec la secrétaire d’État à l’égalité femme-homme de l’époque Marlène Schiappa, et participent à l’élaboration de la proposition de loi issue du Grenelle des violences conjugales en 2020.
Cette dernière intègre donc la possibilité pour les enfants de ne plus avoir d’obligation alimentaire envers un parent maltraitant ou coupable d’un crime contre un autre parent. Un progrès, certes, mais encore insuffisant pour Françoise. “Le problème, c’est que tant que vous n’avez pas reçu de courrier institutionnel qui vous demande de nourrir votre père assassin ou violeur, vous ne pouvez rien faire”, explique-t-elle. ”Vous pouvez passer 10, 20, 30 ou 40 ans à attendre ce courrier. Ça peut être très dur psychologiquement.”
Ce qu’elle demande, c’est la possibilité pour les enfants qui ont été placés ou victimes d’un traumatisme avec l’un de leur parent de se libérer de cette obligation alimentaire dès 18 ans. Cependant, “cela ne peut fonctionner que si un fichier national et sécurisé est créé pour y inscrire les parents”, affirme-t-elle. “On ne peut pas décemment penser que les institutions se souviendront, 30 ou 40 ans plus tard, des enfants qu’elles sont en droit d’aller chercher”.
Françoise continue donc de porter ces revendications, en militant et en témoignant. Pas pour elle ou sa sœur, dit-elle, mais pour “tout ceux à qui ça arrive aujourd’hui, et qui ne s’en remettront peut-être pas”.
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