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La fermeture du golfe de Gascogne, tout sauf une solution miracle ? Entretien avec Olivier Van Canneyt, membre de l'Observatoire Pelagis

Un article rédigé par Tanguy Sanlaville - RCF Bordeaux, le 29 janvier 2025 - Modifié le 29 janvier 2025
L'invité RégionOlivier Van Canneyt, biologiste et membre de l'Observatoire Pelagis

A l'occasion de la fermeture du golfe de Gascogne du 22 janvier au 20 février, nous avons échangé avec Olivier Van Canneyt, biologiste et membre de l'observatoire Pélagis sur les raisons de cette mesure, déjà mise en place en 2023.

Olivier Van Canneyt à son bureau, dans les locaux de l'Observatoire Pelagis. @RCF17Olivier Van Canneyt à son bureau, dans les locaux de l'Observatoire Pelagis. @RCF17

Depuis le 22 janvier, le golfe de Gascogne est officiellement fermé aux bateaux de pêche de plus de huit mètres, et ce, jusqu'au 20 février. Une mesure déjà mise en place en 2024, qui vise à protéger les populations de cétacés face au risque de capture accidentelles. Pour mieux comprendre l'intérêt d'une telle fermeture, nous avons échangé avec Olivier Van Canneyt, biologiste et membre de l'Observatoire Pelagis. Cette unité de recherche dépend du CNRS et de l'Université de La Rochelle et a notamment produit un rapport sur les conséquences positives de la fermeture du golfe l'an dernier.

RCF : Un des sujets qui revient régulièrement quand on parle de protection des espèces marines, c'est la question des captures accidentelles. A quoi fait-on référence exactement ?

Quand on parle de capture accidentelle, on parle d'animaux pris dans des engins dits "à risques". Dans le golfe de Gascogne, on a plusieurs centaines de bateaux qui naviguent et qui utilisent différentes techniques de pêche : la ligne, le casier, le chalut de fond, le chalut pélagique... Toutes ces techniques ne sont pas à risque pour la capture accidentelle de cétacés, deux le sont : le chalut pélagique, qui représente une petite flottille aujourd'hui en France, et les filets maillants, qui sont posés sur le fond, qu'on laisse un certain temps, qu'on vient rechercher plus tard et qui peuvent faire plusieurs kilomètres - là encore, une centaine de bateaux en est équipée.

Ils pêchent beaucoup en hiver ; c'est une saison importante pour la pêche, mais également pour les dauphins qui rentrent dans le golfe de Gascogne : ces dernières années, ils ont tendance à s'y rassembler et à se rapprocher des côtes pour trouver de la nourriture. Depuis quelques années, ce risque de captures accidentelles, lié à une coïncidence entre la répartition des dauphins et celle des bateaux, a augmenté et est très élevé. On est témoins d'une forte mortalité ces dernières années.

RCF : D'autant qu'il y a un taux de mortalité à ne pas dépasser pour ne pas mettre en danger l'espèce.

Voilà. A travers les échouages, on peut avoir une estimation du nombre de morts en mer dans le golfe. Il se situe entre 5 000 et 10 000 par an depuis une dizaine d'année. Par rapport à l'état de la population de dauphins en mer qu'on connaît aujourd'hui, plusieurs groupes d'experts européens ont travaillé sur ces sujets et des seuils à ne pas dépasser en sont ressortis. Ces seuils tournent autour d'un millier d'individus sur toutes les côtes européennes. Dans le golfe de Gascogne, on a donc largement dépassé ce seuil, et la sonnette d'alarme a été tirée.

RCF : La fermeture du golfe de Gascogne en 2024 a-t-elle eu un véritable effet observable sur la population de dauphins ?

L'année dernière, suite à cette fermeture, on a pu faire l'analyse de la mortalité et on a remarqué une forte diminution, qui avait été observée un peu avant et après la fermeture, donc il y avait pu avoir des circonstances liées à la distribution des animaux différente cette année-là. Néanmoins, il y avait une très nette diminution à cette période, surtout durant la fermeture.

Surtout, dans les causes de mortalité, les animaux échoués présentaient beaucoup moins de traces de captures accidentelles. Ce qui nous fait penser que ce mois a eu un vrai effet : on était entre 1000 et 1500 individus morts en 2024. On donc encore un peu au-dessus du seuil critique, mais il y a quand-même un résultat positif. 

RCF : La fermeture est également prévue pour l'an prochain. Est-ce qu'on peut s'attendre à ce que cette expérimentation soit prolongée après 2025 ?

Ce qui se passe en mer est extrêmement variable. L'année dernière, c'est peut-être bien tombé, donc trois ans, cela permettra de voir si cela reste efficace. La fermeture est une mesure prise en l'absence d'autres mesures : je pense qu'il doit y avoir une combinaison de mesures. Si ces événements de mortalité très intenses perdurent, il est peu probable qu'on arrive à trouver une solution miracle autre qu'une fermeture, mais cela ne peut pas être l'unique solution.

Il faut continuer à mettre des moyens, peut-être pour aider les pêcheurs à changer de pratiques de pêche, pour qu'ils puissent continuer à aller en mer et avoir des techniques plus vertueuses. Et sur le plan technologique, trouver des systèmes pour limiter ces captures. Je ne sais pas si les fermetures vont continuer et de toute manière ce n'est pas à nous de décider, mais quand on attend trop longtemps par manque d'informations, il y a une réglementation inadaptée qui s'applique à tout le monde. Et ce, alors que tout le monde n'est peut-être pas concerné.

 

RCF Bordeaux
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'invité Région
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