Pour nous Français, la date du 18 juin est déjà chargée historiquement. Mais sur le plan mondial, on célèbrera peut-être bientôt le 18 juin comme la date anniversaire d’un tout autre appel. Car il y a trois ans jour pour jour, paraissait Laudato Si’, l’encyclique du pape François sur la sauvegarde de la maison commune. Il est trop tôt, bien sûr, pour en mesurer encore toute la portée, mais ce texte prophétique a tout, selon moi, pour inspirer des générations entières. Je n’ai pas le temps ici d’entrer dans le contenu, mais je voudrais revenir sur la démarche.
Bien des observateurs ont relevé que Laudato Si’ était organisé, dans sa structure, autour d’un triptyque cher aux mouvements d’action catholique « Voir, Juger, Agir ». Mais « voir » les enjeux écologiques n’est pas toujours évident. Combien d’espèces disparaissent sans qu’on s’en rende compte ? Et les 3° annoncés à la fin du siècle, les voit-on ? Et ces enjeux sont d’autant plus difficiles à percevoir, note le pape, que « Beaucoup de ceux qui détiennent plus de ressources et de pouvoir semblent surtout s’évertuer à masquer les problèmes » (§26). Alors François invite à élargir notre regard au-delà de la relecture de notre quotidien, au-delà mêmes des injustices immédiates que l’on repère autour de soi, et à prendre au sérieux les avertissements des scientifiques. Au point d’y consacrer tout le premier chapitre de son encyclique : ce n’est pas rien, pour un leader religieux, que de fonder tout son message sur l’état de la planète éclairé par la science (§15) !
Mais plus encore que par le sens de la responsabilité[1], la démarche du pape est mue par la gratitude. « Le sol, l’eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu », dit-il (§84). Et il nous donne François d’Assise en modèle : « Chaque fois qu’il regardait le soleil, la lune ou les animaux même les plus petits, sa réaction était de chanter »[2] (§11). Pour le pape François, le moteur de la transformation écologique – il parle de « conversion écologique » - ne saurait résider dans la peur de la catastrophe, ou dans la rationalité gestionnaire devant « un problème à résoudre », mais dans l’émerveillement, « la conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures » (§ 220) Il nous invite, au fond, à poser sur le monde le regard que l’on pose sur un nouveau-né : « un mystère joyeux que nous contemplons. » (§12) Car on ne protège que ce que l’on aime.
Finalement, Laudato Si’ est un texte qui fait du bien. Sans doute le discours de l’Eglise catholique est-il souvent caricaturé ou déformé, néanmoins il est perçu par beaucoup comme un discours de jugement sur ce qu’il est convenu de faire ou non, jusque dans le plus intime de nos vies. Avec Laudato Si’, François se situe sur un tout autre registre. Il dénonce certes l’irresponsabilité des puissants, mais dans la droite ligne des Evangiles, il vient avant tout apporter une bonne nouvelle, un souffle, une espérance. Cette bonne nouvelle, c’est que la Terre qui nous héberge est à la fois merveilleuse et fragile, que mission est confiée à notre humanité d’en prendre soin, et que, malgré tous nos défauts, nous en sommes capables[3].
Et comme une bonne nouvelle est faite pour être partagée, le pape ne destine pas son texte aux seuls chrétiens, mais « à chaque personne qui habite cette planète » ! Alors n’hésitez pas à y plonger ou y replonger : ce sont des heures magnifiques qui vous attendent ! Et à l’offrir autour de vous !
[1] « Ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité. Nous sommes, nous-mêmes, les premiers à avoir intérêt à laisser une planète habitable à l’humanité qui nous succédera. C’est un drame pour nous-mêmes, parce que cela met en crise le sens de notre propre passage sur cette terre » (§160).
[2] « Si nous nous approchons de la nature sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, nos attitudes seront celles du dominateur ou du consommateur, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination ». (§11)
[3] « L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune. » (§13) ; « Tout n’est pas perdu, parce que les êtres humains, capables de se dégrader à l’extrême, peuvent aussi se surmonter, (…) initier de nouveaux chemins vers la vraie liberté » (§205) ; « Faisons en sorte que notre époque soit reconnue dans l’histoire comme celle de l’éveil d’une nouvelle forme d’hommage à la vie, d’une ferme résolution d’atteindre la durabilité » (§ 207).
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