Les principaux syndicats de cheminots appellent jeudi à une grève de 24 heures. Premier avertissement avant un mouvement cette fois reconductible prévu lui à partir du 11 décembre. Ce débrayage vise l’ouverture à la concurrence dans le transport régional de voyageurs, mais surtout le démantèlement de Fret SNCF.
Le mouvement social ce jeudi a été déclenché par la confirmation début novembre de la fin de Fret SNCF, filiale de transports de marchandise en difficulté depuis de nombreuses années. Une nouvelle séquence sociale compliquée s'ouvre dans l'entreprise après la série de grandes grèves de 2022 et d'autres mouvements en en début d'année.
L’entreprise sera remplacée le 1er janvier 2025 par deux nouvelles sociétés Hexafret, pour faire rouler les trains et Technis pour entretenir les locomotives, avec à la clé la suppression de 500 emplois sur 5 000. Les quatre principaux syndicats de la SNCF demandent un moratoire à ce démantèlement consécutif à un accord entre le gouvernement et la Commission européenne. "Bruxelles a ouvert une enquête contre des aides d'État illégales qui auraient été versées à un fret SNCF par l'État avant 2017. Fret SNCF pourrait être condamné à rembourser 5 milliards d’euros à l'État. C'est totalement impossible en raison de la situation financière de l’entreprise SNCF" explique Patricia Parennes, économiste pour le cabinet Trans missions.
Le choix du gouvernement a été de ne pas risquer une faillite de la filiale fret. "L'État a donc négocié avec la Commission pour faire disparaître Fret SNCF et de la faire réapparaître avec un nouveau visage. On ne se contente pas de changer le logo. Il a fallu réorganiser, céder 30 % des flux aux concurrents et réduire de 10 % le nombre de salariés pour permettre d'effacer l'ardoise" ajoute l’économiste. Concernant les postes supprimés, la SNCF promet zéro licenciement en reprenant tous les personnels dans d’autres sociétés du groupe.
Mais les inquiétudes des syndicats de cheminots sont nombreuses. L’accord signé avec l’Europe prévoit aussi une ouverture du capital au privé, début 2026. Les syndicats dénoncent une "privatisation rampante" et redoutent à moyen terme une stratégie similaire pour le transport des voyageurs. Jean-Pierre Farandou le patron de la SNCF affirme de son côté que le groupe conservera la majorité du capital des deux nouvelles entités.
Les mésaventures du fret ferroviaire de la SNCF n’ont pas débuté avec ces aides controversées de l'Etat. La libéralisation européenne du marché du fret a eu lieu en 2003 pour les liaisons internationales et en 2006 pour le fret intérieur. "Mais le déclin du transport de marchandises par rail en France a débuté dès les années 70-80. L'ouverture à la concurrence n’a rien changé, ni en bien ni en mal. Ça va un peu mieux ces trois, quatre dernières années. Mais quand on dit que ça va mieux, c'est que ça a arrêté de baisser" souligne Patricia Parennes.
Le rail fait face à un conçurent redoutable le transport routier. En 2023, un rapport des députés établissait un lien entre le déclin du fret ferroviaire et le développement parallèle du transport routier depuis le début des années 2000. Il évoquait notamment une "compétitivité artificielle", nourrie par du "dumping social" et des "nuisances" prises en charge par la collectivité comme de la dégradation du réseau par les camions.
Parmi 28 recommandations du rapport pour "rétablir l’équité" avec le transport routier figurait notamment "une "écotaxe nationale sur les poids lourds" abandonnée en 2016 après le mouvement des bonnets rouges. "Pour financer le fret ferroviaire, peut-être faut-il instaurer une taxation des routes. C'est le choix fait par l'Allemagne ou la Suisse. Mais si le gouvernement faisait ça, il y aurait sans doute les routes bloquées" conclu Patricia Parennes.
Chaque matin à 7h10, les journalistes de RCF décryptent un sujet d'actualité en profondeur, dans la Matinale RCF.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !