Je vais vous parler du Benoît XVI que j’ai connu. Il ne s’appelait pas encore Benoît XVI. J’étais à cette époque l’envoyé spécial permanent du journal La Croix à Rome, sous le pontificat de Jean-Paul II. Celui que j’ai approché était le cardinal Joseph Ratzinger et il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. C’est-à-dire l’instance de la Curie chargée de défendre l’intégrité de la foi catholique et de sanctionner tout théologien s’écartant du droit chemin. Cette fonction, il l’a exercée pendant près d’un quart de siècle, depuis son arrivée à Rome en novembre 1981 jusqu’à son élection comme pape…
Joseph Ratzinger s'est éteint le 31 décembre 2022, à l'âge de 95 ans. Il avait été élu pape le 19 avril 2005 sous le nom de Benoît XVI et avait renoncé à cette charge huit ans plus tard. Qui était Benoît XVI ? Quelles images garderont de lui les catholiques et le monde ? La rédaction de RCF vous propose une programmation spéciale en hommage au pape émérite.
Je trouve ce surnom tout à fait bête. On voit bien l’idée. Un Panzer était un char d’assaut allemand de la Seconde Guerre mondiale. Et donc Joseph Ratzinger un Teuton écrasant tout sur son passage. Or, en approchant le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, j’ai découvert un homme d’une très grande douceur, s’exprimant avec énormément de nuances.
Écouter parler le cardinal Ratzinger était une expérience fascinante. Il était l’intelligence incarnée. Les journalistes étaient toujours nombreux lorsqu’il s’exprimait dans la salle de presse du Saint-Siège. Et là, on comprenait mieux un autre surnom. Celui que lui donnaient ses étudiants en théologie dans les années 1960 : Doctor mellifluus, c’est-à-dire “qui coule comme le miel”. Le cardinal Ratzinger était connu aussi pour aimer le débat, y compris avec des personnes aux idées très éloignées des siennes.
La mission du cardinal Ratzinger était celle de la sévérité doctrinale. Cela ne pouvait pas le rendre populaire ! Cependant, il a eu un tort, celui de ne pas obliger la Congrégation pour la doctrine de la foi à changer des méthodes de travail directement héritées de l’Inquisition. Par exemple, les théologiens mis en cause n’étaient pas autorisés à défendre leur position de vive voix, mais seulement par écrit. Cet archaïsme créait bien sûr un hiatus avec l’élégance du théologien Ratzinger.
Joseph Ratzinger a essayé de réformer ces pratiques, mais sans succès. Ce qui manifestait une difficulté à gouverner qui le poursuivra tout au long de son pontificat, jusqu’à son geste de renonciation.
Mais, ce matin, ce n’est pas là-dessus que je souhaite arrêter mon souvenir. Je préfère garder en mémoire un homme se distinguait par une grande simplicité dans sa manière de vivre. Il venait rencontrer les journalistes en simple soutane noire. Pour aller de son appartement à son bureau, il traversait chaque matin à pied la place Saint-Pierre.
Je me souviens aussi de son humour. Ce n’était pas un plaisantin, mais il aimait les traits d’esprit. Je l’ai ainsi entendu raconter un bon mot qui résonne particulièrement dans la crise que traverse le catholicisme. Durant l’épopée napoléonienne, un visiteur était venu voir le cardinal secrétaire d’État, Ercole Consalvi, pour lui dire avec beaucoup d’anxiété : "Éminence, c’est très grave, Bonaparte veut détruire l’Église." Le cardinal lui avait répondu : "Oh, vous savez, nous n’y sommes pas parvenus nous-mêmes." Ce jour-là, le futur Benoît XVI avait déclenché les rires parmi les journalistes.
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