En ligne de mire : l'Allocation Adulte Handicapé (AAH), calculée sur le revenu du foyer. Les bénéficiaires en couple, mariés ou non, dénoncent une injustice et une atteinte à leur indépendance financière. Ils voient leurs aides diminuer alors que le handicap, lui, est toujours là.
"Je ne suis plus sa femme, je suis sa fille !" s'énerve Sophie Ville au téléphone. Sophie est handicapée à 80% d'incapacité, approche la soixantaine et a du mal à imaginer qui pourrait lui donner un travail.
C'est à ça que sert l'A.A.H., l'allocation adulte handicapé que lui reverse la CAF tous les mois : à compenser son handicap qui l'empêche de travailler pour pouvoir subsister.
Mais Sophie Ville a l'impression d'être spectatrice de sa propre vie. "Mon allocation diminue avec le salaire de mon mari. De 490 euros, elle est passée à 200 pour descendre jusqu'à 107 euros. Pour une augmentation de 45 euros de son salaire". Pour elle, c'est une injustice qui crée un déséquilibre dans son couple : "Pourquoi mon mari devrait-il assumer mon handicap?".
Comme tous les minimas sociaux en France, l'allocation adulte handicapé est calculée en fonction de la situation du foyer dans sa globalité. Mariés ou non, les couples qui bénéficient de l'A.A.H. doivent déclarer leurs revenus ensemble, dès qu'il vivent sous le même toit. Au delà de 2100 euros par mois, l'aide est supprimée. "Pour que ma femme touche son allocation pleine et entière, il faudrait que je demande à mon employeur de me payer au SMIC. Financièrement tout ça a un coût. On le vit très mal au quotidien", renchérit Christian Ville, l'époux de Sophie.
Les associations font aussi état de situation très compliquées liées à cette allocation : certains bénéficiaires préfèrent renoncer à se marier ou à emménager avec leur conjoint pour garder une indépendance financière. D'autres se retrouvent sous l'emprise d'un conjoint abusif, sans ressources, et n'ont d'autres choix que de rester.
"Il faut arrêter de considérer les personnes en situation de handicap comme d'éternels mineurs qu'il faudrait placer sous notre autorité", estime Claire Cotte, membre d'APF-France-Handicap. Aux côtés d'une vingtaine d'associations, elle se mobilise ce jeudi 16 septembre 2021 pour réclamer l'individualisation de cette Allocation Adulte Handicapé. "Cette aide devrait être conçue comme une aide d'autonomie pour la personne. Contrairement aux autres aides sociales, il n'y a, dans la grande majorité des cas, aucune perspectives d'amélioration".
UNE DEMANDE REJETÉE PAR LE GOUVERNEMENT
C'était déjà l'argument en juin dernier, lors du vote à l'Assemblée de la loi sur le handicap. Mais la majorité a rejeté la dé-conjugalisation de l'A.A.H. La secrétaire d'Etat chargée du dossier, Sophie Cluzel, avait alors expliqué qu'une telle décision impliquerait "de changer tout le système social et fiscal français, fondé sur les revenus du foyer".
Prochaine étape pour les associations : le passage du texte au Sénat en octobre prochain. Elles entendent aussi se saisir de l'occasion de l'élection présidentielle pour relancer le débat, si elles n'obtiennent pas gain de cause d'ici là.
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