Quatre siècles plus tard, l'auteur des Pensées continue d'inspirer les fidèles qui lui succèdent. Le pape François lui a consacré une lettre apostolique publiée le 19 juin, 400 ans tout pile après la naissance du mathématicien et philosophe français.
Un pape jésuite qui rend hommage à un pourfendeur invétéré du jésuitisme, le geste peut surprendre et donne une idée de l'universalité de ce génie français. Dans Sublimitas et miseria hominis (Grandeur et misère de l'homme), François salue Blaise Pascal, "un homme pacifié qui ne se situe plus dans la controverse, ni même dans l'apologétique". "Ce qui caractérise Blaise Pascal dès sa petite enfance - c'est sa sœur qui le note dans le texte qui le consacre après sa mort - c'est sa quête éperdue de la vérité, estime l'essayiste Jean de Saint-Cheron, auteur d'un récent livre au sujet de celui qui fut tout à la fois mathématicien, physicien, moraliste et philosophe*. Il y a un certain scepticisme chez lui : il ne tient pas pour acquis, dans son enfance et de manière plus nette encore à l'adolescence, ce que lui ont appris son père (quoiqu'il le respecte immensément), la société, la coutume".
Le directeur de cabinet du recteur de l'Institut catholique de Paris illustre son propos avec une expérience menée par Pascal le physicien, qui éclaire à merveille la pensée de Pascal le philosophe. "Pascal sent bien qu'il y a quelque chose de pas net dans ce vieil adage scientifique selon lequel la nature a horreur du vide, et il va le remettre en cause avec sa fameuse expérience du Puy de Dôme", expose-t-il.
Pascal sent bien qu'il y a quelque chose de pas net dans ce vieil adage scientifique selon lequel la nature a horreur du vide, et il va le remettre en cause avec sa fameuse expérience du Puy de Dôme
Et de détailler l'opération : "En faisant monter des fioles de liqueur au sommet du Puy de Dôme, puis en reproduisant l'expérience à la tour Saint-Jacques à Paris, il montre que, lorsqu'il y a une différence de pression atmosphérique, la quantité de liquide dans une ampoule varie. Donc, si elle varie alors qu'aucun air n'a pu entrer dans l'ampoule hermétiquement fermée, c'est bien qu'il existe du vide".
Contemporain de René Descartes qu'il rencontra en 1647, Pascal partage avec lui l'idée que foi et raison s'articulent. Néanmoins, si "Pascal n'oppose pas foi et raison, et entend montrer que la foi est raisonnable, qu'elle n'est ‘point contraire à la raison'", il n'approuve pas la démarche cartésienne consistant à chercher des preuves rationnelles de l'existence de Dieu. "L'un des grands chantiers de Pascal sera aussi de rappeler que la religion n'est pas démontrable par la raison, souligne Jean de Saint-Cheron. Pascal s'insurge contre ceux qui demandent de prouver Dieu. Pour lui, ce qui prouve le mieux la vérité de la religion chrétienne, c'est que Dieu n'est pas démontrable car il est un Dieu caché". Il cite cette merveilleuse formule des Pensées : "Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d'obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire".
*Jean de Saint-Cheron, Blaise Pascal, Voilà ce que c'est que la foi, Editions Salvator, 2023, 17,90 euros
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