Si l’on se pose des questions sur la vie après la mort, les sacrements ou l’infaillibilité pontificale, on peut désormais se référer à des outils d’intelligence artificielle "catholique". Mais qui en est à l’origine et en quoi ces IA "catholiques" sont-elles différentes de ChatGPT ? Quel lien avec le Vatican ?
Trois entreprises ont lancé leur outil d’IA dite "catholique". Il y a d’abord Magisterium AI créé par Longbeard, une entreprise spécialisée dans la technologie et le marketing digital, basée à Rome. Autre intelligence artificielle : Catholic.chat, lancée par Fivable, une entreprise américaine. Et enfin Caté GPT, une IA localisée en suisse.
Précision : ces trois outils ne sont en rien des émanations du Saint-Siège. "Ce sont des applications privées qui ont vocation à transmettre d’une certaine manière la parole catholique", explique Emmanuel Goffi, directeur des études à la Human Technology Foundation, un réseau de recherche et d'action qui place l'être humain au cœur du développement technologique. Expert en IA, il insiste sur l’aspect commercial de ces outils, "c’est très, très important parce qu’on parle trop souvent d’IA générative catholique, elles ne sont pas d’accréditation institutionnelles, ce sont vraiment des initiatives privées et donc commerciales".
Il n’y a pas d’analyse, il n’y a pas d’exégèse, il n’y a pas de pensée spécifique spirituelle
ChatGPT aussi est capable de répondre aux questions sur la foi chrétienne. La différence c’est que ces trois outils d’IA "catholique" ne peuvent répondre qu’à des questions en lien avec le magistère ou l’histoire de l’Eglise. Comme le précise Emmanuel Goffi, "très souvent", cela "consiste à aller chercher dans les textes catholiques des éléments qui sont redonnés tels quels", précise l’expert. Parmi les sources, on trouve bien sûr la Bible, mais aussi le catéchisme de l’Église catholique ou encore les écrits des Pères du désert et des docteurs de l’Église, comme saint Augustin ou saint Thomas d’Aquin. Il est même possible pour l’utilisateur de choisir sa source.
Les textes sacrés comme ceux du magistère sont souvent complexes. Or, "il n’y a pas d’analyse, il n’y a pas d’exégèse, il n’y a pas de pensée spécifique spirituelle, on va juste prendre des éléments, on les copie et on les fournit à l’utilisateur", prévient Emmanuel Goffi.
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Ces outils d’IA "catholique" n’ont pas été créés pour évangéliser. C’est en tout cas l’avis d’Emmanuel Goffi. "Je pense qu’il y a surtout une volonté commerciale. On sait qu’on est dans des périodes un peu troublées où les gens sont en quête de sens, et donc moi j’analyse plutôt ça comme un outil qui permet de combler ce manque de sens, de manière très discutable bien entendu, mais je ne pense pas qu’il y ait véritablement de velléité évangélique derrière ces applications."
Le Vatican de son côté aurait-il intérêt à concevoir sa propre IA officielle ? D’après le spécialiste, il y a surtout une "volonté de prendre le temps de réfléchir en profondeur plutôt que de réagir ou surréagir à ce qui se fait systématiquement". Si le Saint-Siège prend très au sérieux le développement des technologies et traite ces questions "depuis quelques années déjà", on préfère au sein de l’Église mener "une réflexion de fond sur comment articuler ces outils technologiques avec la religion". En France le diocèse de Paris planche sur une IA générative catholique, avec des sources officielles qui serait validée par le Saint-Siège.
Généralement, le discours du Vatican sur les technologies mêle curiosité et ouverture mais aussi prudence et distance critique. Ainsi, début août le pape François a appelé à "un dialogue ouvert sur la signification de ces nouvelles technologies, dotées de possibilités perturbatrices et d'effets ambivalents". Il a rappelé que la société devait être vigilante à l'égard de la technologie afin "qu'une logique de violence et de discrimination ne s'enracine pas dans la production et l'utilisation de ces dispositifs, aux dépens des plus fragiles et des exclus".
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