Les nouvelles générations sont moins investies dans le monde du travail : une idée reçue qui a la vie dure, mais le sont-ils vraiment ? Ont-ils la flamme ou la flemme ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.
Le monde du travail se trouve aujourd'hui déconcerté devant les aspirations professionnelles des nouvelles générations. Quel que soit le milieu social dans lequel les jeunes ont évolués, leur rapport au travail évolue, et ils cherchent désormais un métier qui allie un salaire correct et un bon équilibre de vie, tout en ayant à cœur d’impacter de façon positive aussi bien la société que l’environnement. Mais ces attentes sont elles vraisemblables, et cette motivation peut-elle les freiner dans la recherche
d'un emploi ?
"Les jeunes ont perdu le sens du travail, ils ne font que s’amuser et rechignent à travailler". C'est évidemment une idée reçue qui ne fait pas sens selon Pierre Bréchon, professeur émérite de Sciences Politiques à Sciences Po Grenoble et chercheur au laboratoire Pacte/CNRS : "Ils n’ont pas perdu le sens du travail. Une étude sur l’ensemble du système de valeurs des jeunes montre d’ailleurs qu’en Europe, ils valorisent beaucoup le travail, au moins autant que la famille, et qu’ils considèrent même cela plus important que leurs loisirs".
Les jeunes n'ont pas perdu le sens du travail.
Un cliché qui a la vie dure, mais qui n'est pas un phénomène nouveau, explique Marcel Remon, directeur du Centre de recherche et d’actions sociales (Ceras) et de la revue Projet : "Cette vision négative des valeurs des jeunes n’est pas nouvelle. Les personnes plus âgées se font cette idée en les voyant accorder autant d’importance à leur loisirs”. Pourtant, ces valeurs sont souvent les mêmes que celles de la génération qui les précèdent : "Souvent, sans le savoir, les deux générations vont souvent critiquer les valeurs de chacun, alors qu’ils partagent des valeurs très similaires", ajoute Marcel Rémon.
On aura aussi souvent tendance à remettre en question certaines normes qu’on juge arbitraires.
Malgré tout, certains jeunes rencontrent quand même des soucis dans le monde professionnel : “J’ai partagé ce sentiment avec d'autres : on a des difficultés de respect et d’engagement dans une entreprise où l’on ne se sent pas à notre place. On aura aussi souvent tendance à remettre en question certaines normes qu’on juge arbitraires", témoigne Tom Martin, 25 ans, ancien étudiant du Master Transitions écologiques de Sciences Po Grenoble. Une difficulté qui s’explique par l'exigence qu'ont parfois les jeunes dans la recherche d’un métier, auquel ils donnent beaucoup d’importance : "Cette génération se démarque des précédentes par l’importance qu’elle accorde au sens de leur travail. Bien que les générations antérieures y songeaient aussi, les jeunes d’aujourd’hui sont beaucoup plus animés par cette notion qui leur semble presque indispensable", souligne Marcel Rémon.
Aujourd’hui, les jeunes voient le travail comme quelque chose de très important dans leur vie. Mais l’accès au monde professionnel et les valeurs de chacun diffèrent selon certains facteurs d’après Pierre Bréchon : "Il n’y a pas qu’une sorte de jeunes, de nombreux clivages les dissocient les uns des autres et empêchent de les mettre dans la même catégorie. Les origines sociales, les diplômes et l’éducation qu’ils ont reçus constituent autant de facteurs qui changent la perception du monde du travail pour un jeune". Ce changement de perception modifie aussi les valeurs que chacun a du travail qu’il fait : "Pour certains, le travail ne sera rien de plus qu’un gagne-pain. Pour d’autres, il leur permettra de s’émanciper et de construire une vie de famille. Enfin, certains y verront le moyen d’impacter positivement le monde qui les entoure ainsi que l’environnement”", ajoute Marcel Rémon.
Les jeunes ont une attente aussi bien quantitative que qualitative de leur emploi.
Cette recherche d'emploi qui les anime aujourd’hui est aussi marquée par la quête de sens, mais aussi par la fierté d’un travail bien fait : “Les jeunes cherchent un métier valorisant dont ils pourront être fiers et voir le fruit de leurs efforts. Ils ne cherchent pas ce que l’on appelle vulgairement un ‘bullshit job’, un travail qui n’a que peu voire pas d’impact positif sur la société et l'environnement”, précise Marcel Rémon. "Ils recherchent la production de quelque chose de concret, mais aussi l’épanouissement dans le monde du travail : une attente aussi bien quantitative que qualitative”, complète-t-il.
Une recherche d’emplois marquée par la crise écologique actuelle. Les jeunes ressentent un besoin d’agir, et de le faire rapidement : “Aujourd’hui, je suis en train de créer un camping/auberge de jeunesse, où la question de l’écologie est centrale”, témoigne Tom Martin. Mais la question de la radicalité reste au cœur du débat : “On se demande toujours si on fait assez pour l’environnement, mais comme beaucoup j’ai l’impression de ne pas le faire assez vite", explique cet ancien étudiant du haut de ses 25 ans. “Ces préoccupations forment l’un des enjeux principaux de notre société", répond Pierre Bréchon, "les politiques se forment autour de cette questions et de nombreux débats abordent le sujet, mais personne ne semble d’accord sur une potentielle solution durable".
Les jeunes sont aujourd’hui poussés par un sentiment d’urgence et d'éco-anxiété.
La jeunesse semble donc faire de son possible pour agir, même si cela signifie ne pas prendre complètement le temps d’analyser le problème : “Ils sont aujourd’hui poussés par un sentiment d’urgence et d'éco-anxiété, et veulent agir au plus vite car les analyses durent trop longtemps”, conclue Marcel Rémon.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 04 72 38 20 23, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr
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