Après la Covid-19, l’inflation et la guerre en Ukraine, c’est au tour du dérèglement climatique et de la sécheresse d’être pris pour cible par les complotistes. Les mesures de restrictions d’eau à l’approche de l’été ne seraient alors qu’un outil pour mieux surveiller et contrôler les foules. Il n’est désormais plus question de climato-scepticisme, mais bien de climato-conspirationnisme. Explications.
“La sécheresse ? Quelle sécheresse ? Il a plu pendant tout le mois de mai”. Sur Twitter et l’application Telegram, les pensées conspirationnistes s’accumulent. Un tiers de la population française déclare croire aux théories du complot. Sur les réseaux sociaux, les messages anti-vax ont laissé place à l’idée selon laquelle le dérèglement climatique n’existe pas, et qu’il est une pure invention scientifique.
Malgré la hausse des phénomènes climatiques extrêmes, le dérèglement climatique fait figure de nouveau terrain de jeu pour les conspirationnistes : “comment peut-on parler de sécheresse après un mois de mai aussi pluvieux ?”, analysent-ils. Une remise en cause permanente, qui va bien au-delà du climato-scepticisme connu dans le passé, qui consistait à contredire les données scientifiques. “Aujourd’hui, on parle de climato-complotisme”, explique Rudy Reichstadt, directeur du site Conspiracy watch, l’observatoire du conspirationnisme.
Pour eux, tout cela est faux, et en outre, c’est contrôlé par nos élites et nos politiques. “Ce sont d’authentiques théories du complot. Ces gens postulent que le GIEC parle de dérèglement climatique pour mentir à la population sur la situation réelle. Ainsi, le GIEC favorise les restrictions de libertés”, raconte Laurent Cordonier, docteur en sciences sociales, spécialiste du complotisme.
Nier la vérité et la catastrophe climatique en cours, c’est peut-être le meilleur moyen de ne pas participer à l’effort collectif pour protéger notre planète. “Ce discours climato-sceptique affranchit de toute mauvaise conscience à l'égard du changement climatique. D’une certaine manière, il bénéficie d’un avantage concurrentiel sur le marché des idées, parce que précisément, il nous soulage du poids des responsabilités envers l’avenir et nos enfants”, rappelle Rudy Reichstadt, qui tente de comprendre pourquoi le complotisme s’est penché sur cette question climatique.
Une défiance des élites et des politiques exacerbée par les réseaux sociaux, malgré la hausse des phénomènes climatiques extrêmes visibles. “Un paradoxe”, selon le directeur de l’observatoire du conspirationnisme. La multiplication des épisodes inquiétants en matière de climat ces dernières années et ces derniers mois a pour effet de renforcer ce discours climato-sceptique. “On pensait qu’il avait été balayé du fait de ces épisodes climatiques atypiques, mais c’est tout l’inverse”, déplore Rudy Reichstadt.
Au même titre que les infectiologues ou les épidémiologistes pendant la crise sanitaire, ce sont désormais les climatologues et les météorologues d’être pris pour cible par les internautes sur les réseaux sociaux. Romain Weber est propriétaire de la page Lyon Météo, sur Facebook et Twitter. Sur les deux plateformes, le météorologue cumule près de 50 000 abonnés. Depuis quelque temps, son espace commentaires a évolué. “Il n’y a aucun problème pour débattre mais la plupart du temps, ce ne sont pas des gens qui sont là pour débattre. Souvent, ils n’y connaissent rien”, raconte Romain Weber.
Avec le climat qui s'invite de plus en plus dans l’actualité et dans l’agenda politique, le météorologue n’est pas étonné d’être pris pour cible. Pourtant, il comprend largement que chacun puisse douter de ce que l’on peut voir et entendre après la période difficile de la crise sanitaire. “Parfois, il y a tout de même des limites et un refus d’apprendre”, raconte-il avec un sourire dans sa voix.
Un refus d’apprendre et surtout de comprendre le consensus scientifique historique et quasiment inédit. “Il est très rare qu’une question scientifique aussi importante fasse l’objet d’un consensus aussi clair, aussi bien informé et aussi bien contrôlé de la part des spécialistes”, conclut Laurent Cordonier.
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