Expression d’une urgence ou surenchère radicale ? Le militantisme écologiste semble être à la croisée des chemins en France. Tableaux recouverts de peintures, blocage de l’A6 où encore “sit-in” devant l’Assemblée nationale, deux collectifs, Just Stop Oil et Dernière Rénovation, multiplient les actions ces dernières semaines. En outre, l’épisode de Saint-Soline contre les méga-bassines a mis en exergue les tensions qui irradient la société française autour de ces problématiques. Le ministre de l'Intérieur a même parlé d’écoterrorisme. Une notion avec peu de réalité historique, mais qui traduit une montée en tension autour du combat écologiste.
La mobilisation contre la méga bassine de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, le week-end du 29 octobre a-t-elle créé un précédent ? Dans les mots en tout cas, le ministre de l'Intérieur a choisi de franchir une étape en qualifiant militants s’étant opposés aux forces de l’ordre “d’écoterroristes”. “Dans le jargon des services de renseignement, c'est un terme qui est évidemment utilisé” a expliqué quelques jours plus tard le préfet de police Laurent Nuñez chez nos confrères de Franceinfo. “Les services de renseignement travaillent sur ces individus parce qu'ils ont un potentiel violent. Donc, un certain nombre d'entre eux sont fichés S au même titre que des terroristes islamistes”.
Justement, l’invocation du terrorisme, dans un pays ayant vécu des attentats islamiques a beaucoup fait réagir. “Il faudrait dire au ministre de l'Intérieur que les mots ont un sens et que le terrorisme, c'est le Bataclan et les attentats de Nice. Ce n'est pas des gens qui se battent pour l'intérêt général” s’insurge par exemple la députée écologiste Lisa Belluco qui était présente dans les cortèges à Sainte-Soline.
D’autant qu'historiquement, c'est une notion extrêmement floue” affirme l’historien Alexis Vrignon, maître de conférences à l'Université d'Orléans, coauteur de Une histoire des luttes pour l’environnement (ed.Textuel, 2021), et auteur de France grise, France verte. Une histoire environnementale depuis 1945 ( ed. Armand Colin, 2022). “Si on regarde l’histoire à l’échelle mondiale, il y a plus de représentations culturelles, littéraires de cet écoterrorisme qu'il n'y a eu vraiment d'actes de terrorisme qui ont toujours été extrêmement limitées et souvent du fait de responsabilités individuelles” explique-t-il. “A priori, ce terme ne correspond pas à une réalité” abonde le politologue Eddy Fougier, chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence.
La certitude, c’est que ce débat traduit une tension autour du combat écologiste aujourd’hui. Les actions de Just Stop Oil et Dernière Rénovation reçoivent un accueil assez mitigé. Le philosophe Dominique Bourg, spécialiste des questions d’environnement, liste trois niveaux d’opérations possibles dans le militantisme écologiste.
D’abord, la désobéissance civile. “Pour attirer l'attention de l'opinion publique et donc des autorités sur un danger qui est mal couvert par l'état du droit ou sur une injustice, on enfreint la loi et le droit d'une façon très, très partielle pour précisément combler l'écart entre les institutions, le droit et un danger nouveau ou une injustice nouvelle” développe Dominique Bourg. Ensuite, viennent les fameuses ZAD (Zone à défendre) et enfin “l’écosabotage”. “Il s’agit alors d’endommager ou de détruire une installation”. À Saint-Soline par exemple, un conduit a été attaqué par les manifestants.
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