Maraîcher bio dans la Drôme, Mathieu Yon a étudié la philosophie avant de devenir agriculteur. Spécialiste de la pensée de Simone Weil, chrétien inspiré par la non-violence, il considère que l'écologie ne doit pas être un discours ou une morale. Et qu'il s'agit avant tout d'entrer en contact avec le réel, notamment par le travail manuel, le travail de la terre.
Pour Mathieu Yon, l’écologie ce n’est pas "juste une réduction des émissions de CO2". "C’est beaucoup plus complexe et beaucoup plus global que ça !" Philosophe devenu maraîcher, il est un néopaysan, même s’il "n’aime pas du tout ce terme". Certes, il admet qu’il est habité par "une certaine utopie de ce que devrait être ou pas l’agriculture". Mais l’essentiel dans l’écologie est pour Mathieu Yon dans le "contact avec le réel". "Contact qui passe forcément par le corps sinon c’est trop dilué et éthéré et ça risque de devenir un discours."
Le travail manuel, "ça permet de toucher quelque chose du doigt que Simone Weil appelle le réel", selon Mathieu Yon. La philosophe morte à 34 ans pendant la Seconde Guerre mondiale est l’une de ses "compagnes de route". Elle fait selon lui partie des rares penseurs "qui parlent aussi bien du travail manuel".
Le travail physique constitue un contact spécifique avec la beauté du monde, et même, dans les meilleurs moments, un contact d’une plénitude telle que nul équivalent ne peut s’en trouver ailleurs. L’artiste, le savant, le penseur, le contemplatif doivent admirer réellement l’univers, percer cette pellicule d’irréalité qui le voile et en fait pour presque tous les hommes, à presque tous les moments de leur vie, un rêve ou un décor de théâtre. Ils le doivent, mais le plus souvent ne le peuvent pas. Celui qui a les membres rompus par l’effort d’une journée de travail, c’est-à-dire d’une journée où il a été soumis à la matière, porte dans sa chair comme une épine la réalité de l’univers. La difficulté pour lui est de regarder et d’aimer s’il y arrive, il aime le réel.
Simone Weil, "Attente de Dieu", 1950
"La prière me donne le courage d’agir concrètement", confie Mathieu Yon, qui s’est converti au christianisme à l’âge adulte. Une vie spirituelle qu’il compare à un "foyer" qu’il lui faut entretenir. Et qu’il l’aide à "faire ressortir le bien commun" dans un monde agricole traversé par des divisions idéologiques.
Le jeune maraîcher est engagé au sein de la Confédération paysanne, mais l’important pour lui c’est de considérer ce qu’ils ont en commun avec les autres agriculteurs, ceux de la FNSEA comme ceux de la Coordination rurale. "Quand je rencontre quelqu’un, je rencontre un agriculteur, quelqu’un avec qui je partage un commun, une condition sociale, pour reprendre les mots de Simone Weil."
Pour lui, l’écologie "ne doit pas devenir une morale". "Si l’écologie c’est ce qui me sépare d’un autre agriculteur, je refuse de mettre ça au premier plan, c’est d’abord notre condition sociale qui nous unit." Selon Mathieu Yon, c’est "l’effort, le labeur" qui sont au cœur, c’est "faire sortir la nourriture de la terre" … "C’est quelque chose de bien plus profond qui nous unit que la question des pesticides ou du circuit court, des questions intéressantes mais qui ne devraient pas prendre la place que ça prend aujourd’hui."
Commune conversion, c'est le récit d'une conversion écologique et de ses conséquences: une femme, un homme, un couple, un groupe, une famille témoigne de sa prise de conscience, soudaine ou progressive, de l'urgence écologique et de la façon dont cela a changé sa vie. Ces témoignages, à la croisée de la lucidité sur l'état du monde et de l'espérance enracinée dans une mise en mouvement, dessinent le monde de demain.
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