Jean Pruvost n'évoque pas le mot "rentrée", mais plutôt la formule-clef qui n'est jamais très éloignée des rentrées : le fait de prendre "de bonnes résolution".
Je ne l’ai vraiment pas fait exprès mais, hier, en vérifiant l’étymologie du mot "résolution", que lis-je en toutes lettres comme sens premier attesté dès l'année 1324 : "dissolution" !
Décidément, les mots nous réservent toujours des surprises au vif de l’actualité ! Interloqué par ce premier sens, je me suis alors dit que ce serait peut-être bien de trouver une citation pour lancer la chronique, pour qu’elle soit joyeuse et sereine en évoquant notamment les "bonnes résolutions".
Et je tombe sur Oscar Wilde affirmant dans le Portrait de Dorian Gray que « Les bonnes résolutions sont des chèques tirés sur une banque où l’on n’a pas de compte courant… » Alors là, c’en était trop, je décidais incontinent de repartir du bon pied, en remontant toute l’histoire du mot : d’abord trouver sa source et donc la toute première trace.
On peut même remonter encore plus loin, à l’indo-européen il y a plus de 6000 ans d’où sont justement tirés le grec, le latin, mais aussi le gaulois, le français, et presque toutes les langues européennes.
Et là on repère alors, en reconstituant le mot indoeuropéen, la racine « luere », qui a pour sens confus, le fait de délier quelque chose, de le dissoudre, d’où le grec « luein » dissoudre, et le latin « luere » qui donnera un autre mot latin « solutio », avec ce même sens de « délier » ou « dissoudre », « désagréger » quelque chose, ce qu’on retrouve dans le mot français « solution » attesté en 1119.
Et une « solution » est donc d’abord « ce qui dénoue une difficulté » mais aussi dès le XVIIe siècle, renouant avec le premier sens latin, le fait de « dissoudre une substance dans un liquide ». d’où la solution pharmaceutique.
En effet, le préfixe « re, mis devant le latin « solutio », donne « résolutio », et en français « résolution » dès le XIVe siècle, aboutissant à un sens encore actuel, le fait de re-venir à l’état naturel avec, par exemple, la « résolution » d’un abcès, c’est-à-dire la disparition progressive d’une inflammation.
Existe aussi le fait de se désagréger pour revenir aux éléments de départ, et c’est ainsi qu’apparaît le premier synonyme de « résolution », la dissolution en tant que retour au point de départ, mot qui allait prendre le relais pour ce sens du mot « résolution ». C’est en réalité au XVIe siècle que, partant des résolutions propres à résoudre les difficultés, vinrent dans leur sillage les « bonnes résolutions ». Et depuis point de progrès sans de bonnes résolutions prises au bon moment. Or là, nouvelle déception, voilà ce que je lis tiré du Portrait de Dorian Gray : « Une fatalité poursuit les bonnes résolutions et veut qu’on les prenne toujours trop tard ». Mais du même auteur je repère aussi ce propos s’agissant toujours des bonnes résolutions : « on les prend toujours trop tôt ». Alors là il faudrait savoir ! Pour notre part on sait que le bon moment, c’est là, maintenant. Par exemple ne pas prendre un second croissant. Première grande résolution. Et très courageuse, croyez-moi.
Jean Pruvost est l'auteur de « 100 mots latins pour bien écrire Mille mots français », à paraître le 6 septembre aux Belles Lettres.
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