Ajaccio
Le pape François se rendra en Corse le dimanche 15 décembre. Le Saint-Père sera à Ajaccio pour participer à un colloque sur la piété populaire. Mais quelle différence entre la piété et la religiosité populaire ? Décryptage avec Anne Soupa, bibliste, et Samuel Pruvot, directeur de la rédaction de la revue Mission.
C'est une visite historique. Invité par le cardinal Bustillo, l'évêque d'Ajaccio, c'est la première fois qu'un pape se rend en Corse.
Le pape François se rend en Corse à l’occasion d’un colloque intitulé Religiosité populaire en Méditerranée, organisé par le diocèse d’Ajaccio. Le cardinal Bustillo a beaucoup encouragé cette religiosité en multipliant les présences lors des pèlerinages et des bénédictions, souligne Anne Soupa. Il a cherché, à travers ses actions, à raviver la culture traditionnelle et la dévotion populaire des Corses."Je pense que c’est très important et que c’est une belle aventure d’essayer de relancer cela. Avec, malheureusement, ses limites, car la Corse est une île en proie à des questions identitaires qui se mêlent au maintien des traditions. Ce qui est possible sur une île comme la Corse ne l’est peut-être pas dans un diocèse de périphérie d’une grande ville, par exemple", précise-t-elle.
Si l’amour n’est pas au fondement de tout engagement social, il lui manque quelque chose. C’est très important d’avoir produit cette encyclique.
La bibliste relie ce colloque à l’encyclique Dilexit Nos, publiée le 24 octobre dernier par le pape François, sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus-Christ. "Si l’amour n’est pas au fondement de tout engagement social, il lui manque quelque chose. C’est très important d’avoir produit cette encyclique. J’ai un gros regret : cet encyclique ne tient absolument pas compte des sciences humaines. On est dans l’évocation des grands saints du passé." Selon Anne Soupa, intégrer les sciences humaines aurait permis de renouveler notre spiritualité. Samuel Pruvot ajoute : "Ne pas intégrer les sciences humaines dans notre approche de la vie spirituelle et de notre foi serait dommageable, car la foi n’a absolument peur de rien, tout comme la vérité n’a peur de rien." Le directeur de la revue Mission rappelle par ailleurs que les saints sont des modèles de foi et de sainteté.
Anne Soupa s’interroge sur l’incarnation de cette religiosité. "Le Christ est ressuscité et présent spirituellement avec nous, et non physiquement", rappelle la bibliste. "Il ne faut jamais oublier la parole qu’il a dite à Marie-Madeleine : Ne me touche pas. La vie spirituelle aujourd’hui ne peut pas se construire en buvant l’eau du côté du Christ ou en touchant son cœur organique. Elle se construit autrement, de manière spirituelle, dans une relation amoureuse, un élan du cœur." Anne Soupa craint que la spiritualité du pape François, dans le cadre de ce colloque sur la religiosité populaire, ne ramène à une conception quelque peu antérieure de la sainteté.
La piété, c’est un don du Saint-Esprit. La religiosité, c’est une chose qui peut être bonne ou mauvaise, mais elle n’est pas forcément chrétienne.
De son côté, Samuel Pruvot souligne que l’évêque d’Ajaccio a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un colloque sur la piété populaire et non sur la religiosité. "La piété, c’est un don du Saint-Esprit. La religiosité, c’est une chose qui peut être bonne ou mauvaise, mais elle n’est pas forcément chrétienne." Le pape François vient ainsi encourager la piété populaire dans le sens où Dieu lui-même, par l’Esprit-Saint, nous pousse à poser des actes qui soutiennent la prière publique, passant par le corps, le chant, et les couleurs, explique le directeur de la revue Mission.
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