Si le pape François souhaite se rendre en Corse en décembre 2024, c'est en raison de la tenue du colloque sur la "Religiosité populaire en Méditerranée" organisé par le diocèse d'Ajaccio. Processions, confréries, pèlerinages, neuvaines... les gestes de la piété populaire rendent la foi chrétienne visible. Qu'en dit l'Église catholique ? Pourquoi le souverain pontife y est-il attaché ?
Une centaine de personnes ont participé ce vendredi 15 novembre à la procession aux flambeaux pour le retour de la statue de la Vierge à l'Enfant dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le signe du retour de la piété populaire, comme l’a montré la récente enquête du Figaro ? En tout cas, le colloque sur la "Religiosité populaire en Méditerranée" prévu en Corse en décembre 2024 intéresse plus le pape François qu’une visite d’État à l’occasion de la réouverture de Notre-Dame. L’événement organisé par le diocèse d’Ajaccio a bénéficié d’un sérieux coup de projecteur depuis que le chef de l’Église catholique a émis l’idée de s’y rendre. Qu’est-ce que la piété populaire ? Pourquoi intéresse-t-elle le pape François ? Quel lien avec la théologie de la Méditerranée, si chère au souverain pontife ?
La religiosité ou piété populaire désigne les gestes de dévotion par lesquels les fidèles expriment leur foi. Ce que l’Église catholique distingue de la liturgie ou de la célébration des sacrements. Ainsi, une génuflexion lors de la consécration à la messe n’est donc pas du même ordre qu’une génuflexion lors de la vénération de reliques, par exemple. La piété populaire "ne remplace pas la vie liturgique de l’Église" précise le Catéchisme de l’Église catholique (par. 1675).
Vénération des reliques, processions, chemins de croix, pèlerinages, neuvaines ou encore bénédictions de cartables ou de maisons… Les démarches de piété populaire sont nombreuses. Elles peuvent être collectives mais aussi individuelles, comme le fait de porter une médaille, de fixer un chapelet à son pare-brise ou encore de se faire tatouer une croix.
Si elle accorde une plus grande importance à la célébration des sacrements, l’Église catholique ne néglige pas la religiosité populaire. C’est même à cela que l’elle mesure le degré d’inculturation, c’est-à-dire d'imprégnation de la foi chrétienne dans une culture donnée. Les pratiques de religiosité populaire varient en effet d’une culture à l’autre. On pense aux processions de la Semaine sainte à Séville ou aux confréries en Corse.
La piété populaire en Méditerranée, c’est cela que le pape François viendra saluer en Corse - si toutefois son voyage est confirmé par le Vatican. Le pape "aime aussi le côté populaire, a déclaré le cardinal évêque d’Ajaccio François Bustillo dans La Tribune Dimanche. Or, en Corse on a cette habitude notamment de chanter en marchant dans la rue. Il y a des signes comme la symbolique du feu avec les bougies, les rites de l'eau, bref des gestes qui traduisent des traditions bien ancrées, certes saintes mais, j'insiste, populaires… Bergoglio aime ceux qui savent préserver leur identité."
Faut-il y voir un lien avec la théologie de la Méditerranée qui lui est chère ? Comme le pape François l'a dit lors de son voyage à Marseille, cette mer est "un reflet du monde". Carrefour de grandes et puissantes civilisations anciennes, c’est aussi une région éprouvée par les conflits et le destin tragique de milliers de réfugiés.
La théologie de la Méditerranée "n’est pas tant un discours qui viendrait se plaquer sur cette réalité qu’une invitation à se laisser enseigner par elle, explique le jésuite François Euvé dans la revue Études. C’est une théologie « humble ». Pour une fois, le théologien commence par écouter « le cri souvent silencieux des derniers »… C’est une autre manière de parler de Dieu qui se dessine : « Dieu est dialogue et le dialogue est le lieu de Dieu. »"
Le pape François l’a exprimé très clairement dès le début de son pontificat, la religiosité du peuple est une façon d’évangéliser. C’est ce qu’il défend dans sa première exhortation apostolique "Evangelii Gaudium" (du 24 novembre 2013). Une lettre pastorale dans laquelle il invite l’Église à être "en sortie".
La religiosité populaire c’est justement la foi rendue visible en dehors du lieu de culte. Mais est-ce toujours la foi que l’on exprime ? Parfois, on hésite entre traditions culturelles, affirmation identitaire ou attraction touristique… En Espagne, plusieurs processions de la Semaine sainte ont reçu le titre de "Fête nationale d'intérêt touristique". Si cela peut susciter la curiosité ou de l’intérêt, peut-on parler d’évangélisation ?
Ces manifestations de la foi ont l’avantage de la rendre également accessible. Des gestes simples comme allumer un cierge ou recevoir une bénédiction n’exigent pas a priori de grandes connaissances théologiques. Le défi pour l’Église catholique sera sans doute de guider les personnes vers un approfondissement spirituel. Et de faire de la piété populaire le lieu d’un dialogue.
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