Manche
Il ne se passe pas une semaine sans que le recul du trait de côte ne fasse la une de la presse quotidienne régionale : disparition de dunes, de digues, de clubs de voile, parfois même de maisons ou d’exploitations agricoles. Le grignotage de la côte par la mer constitue une menace réelle pour 20 % du territoire, soit 500 communes. Zoom sur la côte d’Opale, dans les Hauts-de-France, entre Berck-sur-Mer et Dunkerque.
Depuis 1960, les Hauts-de-France ont perdu l’équivalent de 1,32 km² de côte, soit 188 terrains de football engloutis par la mer.
Ce phénomène affecte notamment Ambleteuse, une station balnéaire touristique située entre Boulogne-sur-Mer et Calais. Son maire, Stéphane Pinto, constate qu’en cinquante ans, la mer a avancé de près d’une dizaine de mètres, menaçant des dizaines de maisons à moyen et long terme.
Ce n’est pas sur tout le littoral français. Il y a un recul à certains endroits, et cela dépend beaucoup de ce qu’on appelle le bilan sédimentaire.
Depuis les années 2010, le phénomène s’accélère, ramenant le trait de côte à son emplacement du Moyen Âge. Cela est dû aux changements climatiques et à la hausse du niveau des océans, estimée à 4 mm par an. Cependant, l’impact est inégal selon les zones, comme l’explique Arnaud Eckett, chercheur à l’Université du Littoral Côte d’Opale : "Ce n’est pas sur tout le littoral français. Il y a un recul à certains endroits, et cela dépend beaucoup de ce qu’on appelle le bilan sédimentaire."
Des solutions sont envisagées pour lutter contre le recul du trait de côte : rehaussement des digues, enrochement, renaturation, reensablement, voire une combinaison de ces approches. Arnaud Eckett prend l’exemple de Dunkerque et de la digue des Alliés. "Il faut absolument que cette digue soit renforcée. On a effectué un rechargement de plages avec 1 500 000 m³ de sable. Mais on sait qu’une partie de ce sable partira progressivement. Ce n’est pas une solution permanente, il faudra intervenir régulièrement."
Nous sommes extrêmement inquiets face au recul du trait de côte et à l’érosion.
Si dans les grandes agglomérations des projets de protection sont en cours, la situation est plus compliquée dans les petites villes littorales, où les habitants sont souvent inquiets. Parfois, aucune solution n’est encore mise en œuvre en raison d’un manque de moyens financiers ou de tensions entre communes et communautés de communes. Hélène Boulet, de l’association citoyenne Défense du trait de côte d’Ambleteuse, s’alarme : "Nous sommes extrêmement inquiets face au recul du trait de côte et à l’érosion. La communauté de communes de la Terre des Deux Caps, en charge de la protection du trait de côte, ne fait rien, n’agit pas, et n’utilise pas son budget pour nous protéger. Si nous ne protégeons pas nos côtes aujourd’hui, demain, il faudra malheureusement exproprier des habitants, car la mer atteindra leurs maisons."
Cependant, disposer des moyens nécessaires ne suffit pas : il faut aussi obtenir les autorisations administratives. Les lois de décentralisation de 2014 ont transféré la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (compétence GEMAPI) aux communautés de communes. Stéphane Pinto, maire d’Ambleteuse, déplore une situation administrative bloquée : "La GEMAPI ne permet que d’entretenir, maintenir ou contenir les ouvrages existants, comme les digues. Pour le reste, elle n’est pas compétente en l’état. Nous travaillons avec la Communauté de communes, qui a récupéré cette compétence, pour clarifier ce que recouvre réellement la GEMAPI." Il pointe également la perte de temps engendrée par ce système administratif.
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