Grand Est
POINT DE VUE DE MARIE-HELENE LAFAGE - Quand on parle de la menace que représente la montée du niveau marin, on pense plus facilement à des îles lointaines ou aux Pays-Bas, avec ses polders. Et pourtant, en Franceil y une vraie prise de conscience ces dernières années, notamment avec la tempête Xinthia en 2010. Depuis, l’État a commencé à lister les communes concernées par ce qu’on appelle "le recul du trait de côte".
Derrière ce terme il y a en fait deux phénomènes : l’érosion côtière – la côte qui se fait grignoter au fur et à mesure – et puis le risque de submersion marine – c’est quand les vagues envahissent les habitations lors des tempêtes en passant par-dessus des digues et des dunes. Le ministère de la transition écologique estime que 22 % de nos côtes sont aujourd’hui concernés par une érosion accélérée. On pense à la côte Atlantique mais cela les concerne toutes en réalité. La Bretagne, qu’on imagine solide sur son bloc de granit, comporte une multitude de zones basses exposées. Il ne faut pas oublier aussi que le littoral est densément urbanisé et occupé, ce qui accroit le problème !
Depuis la fin du dernier âge glaciaire, la mer ne cesse de monter. C’est ce que montre par exemple le "marégraphe" à Brest, un instrument de mesure vieux de 300 ans. Il enregistre 30 centimètres depuis sa mise en service. Mais ce qu’il montre aussi, c’est une vraie accélération de la montée du niveau marin, à partir du XXe siècle, avec le changement climatique : plus de 15 centimètres rien que depuis 1990.
Les rapports du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et les travaux scientifiques de ces dernières décennies ont montré que cette accélération était due au réchauffement climatique, à la fonte des glaces et au phénomène de dilatation thermique – quand les températures augmentent, la mer prend plus de place. La mer pourrait monter d’1,10 m d’ici à 2100, avec des conséquences dramatiques. Le mois dernier, le Cerema, un centre d’études rattaché à l’État, a fait des estimations pour la France selon les scénarios du Giec. Rien qu’à échéance 2028, 1000 bâtiments sont menacés ; plus de 500 000 pourraient l’être en 2100 dans le pire des cas.
On prend peu à peu conscience qu’il va falloir déménager une partie du littoral, mais ça peine encore à imprimer. Certes, en 2023, les images de la destruction de l’immeuble le Signal à Soulac-sur-mer en Gironde ont marqué les esprits. Mais le bord de mer continue à faire rêver, on continue à construire, les résidences secondaires se multiplient, et les prix immobiliers montent en même temps que la mer… On trouve toujours du monde pour investir sur le court terme.
Depuis quelques années, l’État a commencé à inciter les communes à anticiper la montée du niveau marin. La loi Climat Résilience votée en 2021 a posé de nouvelles modalités pour exproprier. Ce sujet va faire beaucoup parler à l’avenir, parce qu’on devra se poser la question de l'indemnisation des personnes – c'est-à-dire de la solidarité nationale – celle du financement de l’adaptation, celle de la régulation du marché immobilier.
Surtout, un immense travail attend les collectivités pour la transformation de leur littoral, avec les populations concernées, et avec des situations souvent complexes. Dans tous les cas, la meilleure manière de limiter le problème reste de limiter le changement climatique en diminuant nos émissions...
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