Depuis plusieurs semaines, le ton monte entre la Grèce et la Turquie, en Méditerranée orientale, ce qui n’échappe pas aux Européens. Et si les tensions semblent s’apaiser depuis quelques jours, ce n’est sans doute que la fin d’un épisode supplémentaire dans ce bras de fer qui dure depuis des siècles.
La mésentente entre la Grèce et la Turquie existe depuis toujours. Joëlle Dalègre, maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), et spécialiste de la Grèce, rappelle que "depuis le jour où l’Empire ottoman s’est constitué, il s’est mis à envahir l’Empire byzantin". "Chacun des deux est né d’une guerre contre l’autre", résume-t-elle.
Depuis 1974 et l’invasion turque de Chypre, les points de discorde entre la Turquie et la Grèce se sont multipliés. Mais leur principal bras de fer concerne aujourd’hui l’espace maritime. L’Etat y dispose des mêmes droits que sur son territoire terrestre. Mais cet espace a toujours été limité à 6 milles marins entre la Turquie et la Grèce, puisque si cette dernière décidait d’étendre sa zone de mer territoriale, les Turcs ne pourraient plus traverser la mer Egée sans passer par les eaux grecques. Or, avec la montée des tensions, Athènes menace d’une extension de cette zone.
Les zones économiques exclusives (ZEE), qui peuvent s’étendre jusqu’à 200 milles marins, assurent à un Etat côtier un droit exclusif à l’exploration, à l’exploitation et à la gestion des ressources qui s’y trouvent. Les récents gisements de gaz découverts en Méditerranée orientale pourraient être exploités par l’Etat qui dispose d’une ZEE où ils ont été localisés. Mais les ZEE n’ont jamais été définies entre la Grèce et la Turquie, parce que les deux Etats sont trop proches pour établir des ZEE de 200 milles marins.
Le navire de prospection sismique, envoyé mi-août par les Turcs à la recherche d’hydrocarbures, dans une zone revendiquée par les Grecs, a provoqué une surenchère de menaces entre ces pays et d’autres puissances étrangères qui sont entrées dans le jeu des alliances. La France a décidé d’envoyer des navires de guerre et des avions de combat dans la zone, en soutien à la Grèce. Athènes a commandé 18 Rafale, pour équiper son armée de l’air. C’est la première fois qu’un pays membre de l’Union européenne opte pour des avions de chasse français.
Emmanuel Macron s’est opposé au président turc, Recep Tayyip Erdogan, sur un nouveau terrain, selon Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble et spécialiste de la Turquie, cette dernière "dénonce cette politique comme une politique néo-coloniale".
La semaine dernière, pendant le sommet du Med7 en Corse, les pays du sud de la Méditerranée ont fait bloc commun face à la Turquie. Des sanctions pourraient être évoquées lors d’un conseil européen prévu les 24 et 25 septembre. Pour Edouard Simon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), et spécialiste des questions de sécurité et de défense européennes, l’Europe devra apporter une réponse à la hauteur des actes de la Turquie. "Si l’Union européenne ne réussit pas à atteindre ce niveau qui est le niveau minimal de solidarité, elle aura raté son opportunité d’être un acteur géopolitique", explique-t-il.
Si les tensions semblent s’apaiser ces derniers jours, la Turquie a en tout cas indiqué qu’elle ne renonçait pas pour autant à ses droits dans la zone.
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