Après la courte victoire du parti Social-démocrate, le SPD, de Olaf Scholz, avec près de 25,7% des suffrages, sur la droite démocrate chrétienne de la CDU/CSU qui totalisent 24,1% des voix, il faudra de longs mois aux Allemands avant de se mettre d’accord sur une coalition de gouvernement. Mais, dès à présent, il est possible de tirer un premier enseignement sur ces élections importantes non seulement pour les Allemands mais également pour les Européens, à savoir le résultat, finalement plus bas que prévu initialement, des Verts d’Annalena Baerbock qui ont reçu 14,8% des votes.
Partons d’un constat. Ce n’est pas parce que les préoccupations de la population sont en priorité écologiques que les électeurs votent pour le parti vert. Pourtant après les inondations des 14 et 15 juillet derniers en Allemagne, qui ont causé la mort de plus de 180 personnes et fait plus de 30 milliards d’euros de dégâts, on aurait pu penser que les électeurs allemands se tournent massivement vers le parti Vert. Les experts du GIEC sont formels en effet pour relier ce type d’événement climatique dramatique à l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. De plus l’écologiste suédoise Greta Thunberg s’était rendu à Berlin vendredi dernier pour relancer ses "vendredis pour le climat" et pousser les jeunes à voter.
Mais d’une part la question de la confiance envers la personnalité du candidat reste un argument majeur au moment du vote. Et ici manifestement l’expérience prévaut sur la jeunesse, ce qui a conduit les Allemands à accorder leurs suffrages à Olaf Scholz, le social-démocrate du SPD qui est depuis 3 ans le vice-chancelier et le ministre des finances. Face à lui, Armin Laschet, le chrétien démocrate du CDU et la candidate des Verts, Annalena Baerbock, sont apparus comme des relatifs novices en politique.
D’autre part tous les partis démocratiques en Allemagne ont désormais des objectifs similaires en matière de développement durable : à savoir la mise en place d’une économie fondée principalement sur l’énergie éolienne et solaire. Là où ils diffèrent, c’est dans la méthode. Faut-il se libérer de l’énergie du charbon dès 2030, comme le veulent les Verts, ou repousser ce moment à 2040, comme le souhaitent les sociaux-démocrates ? C’est ici que la question de la radicalité devient centrale dans la communication politique. Manifestement les électeurs allemands ont préféré se donner plus de temps pour leur transition énergétique.
Mais attention, la radicalité c’est comme le cholestérol. Il y a deux formes de radicalité, la mauvaise et la bonne. Et ce n’est pas toujours une question d’agenda. La mauvaise radicalité affiche des promesses mais ne peut pas parvenir à ses fins par manque d’ambition ou de réalisme. Tandis que la bonne radicalité sait bouleverser en profondeur les choses en mettant en œuvre une dynamique ambitieuse, éthique et capable de susciter l’adhésion. On peut imaginer que les électeurs en France seront bientôt confrontés au même choix : devoir discerner entre une radicalité durable, inclusive et discrète, et une radicalité polémique, visible mais inefficace.
Antoine Arjakovsky est historien, directeur de recherche au Collège des Bernardins, directeur émérite de l'Institut d'études œcuméniques de Lviv (Ukraine). Son dernier livre : "Essai de métaphysique œcuménique" (éd. Cerf). Il nous livre son regard sur l'actualité chaque semaine dans la matinale RCF.
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