Adoptée au Sénat, la loi d'orientation agricole suscite des débats houleux. Le sénateur Sébastien Pla, fervent défenseur de l'exception agriculturelle française, a voté contre. Pour lui, cette loi manque d'ambition et risque de creuser le déclin de l'agriculture française.
Le projet de loi d'orientation agricole a été définitivement adopté ce vendredi 20 février à l'Assemblée nationale après son passage au Sénat. Annoncé comme un texte phare pour renforcer la "souveraineté alimentaire" et favoriser le "renouvellement des générations en agriculture", il répond en partie aux revendications exprimées lors de la crise agricole de l'hiver 2024. Il consacre notamment l'agriculture comme "un intérêt général majeur".
Pourtant, ce texte suscite de vives critiques, notamment à gauche. Le sénateur socialiste de l’Aude, Sébastien Pla, a voté contre cette loi, la qualifiant de "régressive" et de "sans ambition". Selon lui, elle tourne le dos aux enjeux climatiques et néglige les défis de l’agriculture paysanne.
"La montagne a accouché d'une souris", a lâché Sébastien Pla, résumant ainsi son opinion tranchée sur le projet de loi. Pour le sénateur, le texte se montre "ambitieux dans ses intentions, mais insignifiant dans ses effets". Alors qu'il devait initialement fixer le cap de l'agriculture française pour les vingt prochaines années, il manque cruellement d'objectifs clairs et de mesures concrètes.
"Ce texte a été réécrit de fond en comble par les rapporteurs au Sénat, sans réelle vision d'avenir", regrette-t-il. "On attendait une loi d'orientation ambitieuse pour préparer l'agriculture de demain. Au lieu de cela, on se retrouve avec une loi de régression qui tourne le dos à l’agriculture paysanne et aux défis du changement climatique, particulièrement pressants dans l'Aude et sur le pourtour méditerranéen."
Pour Sébastien Pla, cette loi ne répond pas aux défis structurels d'une agriculture française en crise depuis trente ans. "Les prévisions annoncent la disparition d'un tiers des exploitations agricoles d'ici 2040, passant de 400 000 à 300 000, malgré l'objectif de 400 000 exploitations en 2035 fixé par la loi", rappelle-t-il.
Selon lui, cette tendance inquiétante conduira à une concentration des exploitations, menaçant l'équilibre des territoires ruraux. "On pousse vers un modèle d'agriculture industrielle, au détriment des petites fermes familiales et d’un aménagement harmonieux du territoire", avertit-il.
Le sénateur dénonce également le manque de considération pour les spécificités locales. "J’ai plaidé pour une exception méditerranéenne afin de répondre aux enjeux climatiques et économiques de notre région, mais le texte reste sourd à ces besoins", explique-t-il. "Tout ce qui est prévu pour pérenniser les exploitations existantes ou encourager l'innovation et la diversification s’apparente à du marketing, ficelé à temps pour le Salon de l’Agriculture."
La loi d'orientation agricole est également critiquée pour ses mesures en matière environnementale. Son article 13 dépénalise les infractions environnementales non intentionnelles, les remplaçant par un stage de sensibilisation ou une amende administrative maximale de 450 euros.
Elle recommande également de ne pas "interdire les produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne" en l’absence de solutions "économiquement viables". En outre, les aménagements agricoles ne seront plus comptabilisés dans l'objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN), et les règles pour la création de réserves d’eau ont été assouplies.
Pour Sébastien Pla, ces mesures constituent un "rétropédalage environnemental" alarmant. "Dans un contexte de crise écologique, assouplir les règles environnementales est un non-sens", s’indigne-t-il. "Cela envoie un signal désastreux alors que l’agriculture doit s'adapter aux défis climatiques et sanitaires."
Au-delà de mesures concrètes comme la création d'un "bachelor agro" (diplôme bac + 3) et d'un "guichet unique" dans les Chambres d'agriculture, Sébastien Pla déplore un manque de vision à long terme. "Une loi d'orientation doit orienter, fixer un cap clair", insiste-t-il. "Or, ce texte ne répond pas aux défis du renouvellement des générations, de l'innovation agricole ou de la transition écologique."
Un "diagnostic modulaire de l'exploitation agricole" est prévu pour accompagner les jeunes agriculteurs, en leur fournissant des informations sur la viabilité économique, environnementale et sociale de leur projet. À partir de 2026, les agriculteurs d'au moins 59 ans pourront, sous conditions, bénéficier d'une "aide au passage de relais" d'environ 1 000 euros par mois jusqu'à leur retraite.
Pour Sébastien Pla, ces mesures sont insuffisantes et risquent de creuser le fossé entre le monde agricole et les attentes sociétales. "L’agriculture française a besoin d'un projet ambitieux pour rester compétitive tout en répondant aux enjeux environnementaux", conclut-il. Il appelle à un sursaut des parlementaires et des acteurs du monde agricole pour réorienter le débat et mettre en place une politique agricole plus ambitieuse et durable.
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