Pourquoi a-t-on tant de mal à valoriser le travail des agriculteurs ? Il y a urgence car en France le nombre de paysans ne cesse de diminuer. Or, pour amorcer la transition écologique, il faut plus d'agriculteurs. De quel modèle agricole a-t-on besoin ? Qu'en pensent les principaux syndicats ?
De quel modèle agricole la France a-t-elle besoin ? La question se pose plus que jamais alors que se tient à Paris le Salon international de l’agriculture du 25 février au 5 mars 2023. Faibles revenus, baisse du nombre de professionnels, aléas climatiques, mondialisation... Les défis du monde agricole sont immenses. Face à eux, les différents syndicats agricoles n'avancent pas tous les mêmes réponses.
Pourtant, devant l'urgence, il faudra bien trouver des points d'accord entre syndicats. Installée au cœur du Salon de l'agriculture (sur le stand de la région Auvergne-Rhône-Alpes) RCF réunit trois représentants des principaux syndicats agricoles : Luc Smessaert, polyculteur éleveur dans l’Oise et vice-président de la FNSEA ; Véronique Le Floc’h, éleveuse laitière en bio dans le sud de la Bretagne et présidente de la Coordination rurale ; Nicolas Girod, éleveur dans le Jura et porte-parole de la Confédération paysanne.
"Combien de temps les agriculteurs vont-ils tenir face au libre-échange ?" Cette pétition en ligne a été lancée par Matthieu Yon, maraîcher bio dans la Drôme, avec son frère Pierre, éleveur ovin dans le Vercors, pour "faire de la cause agricole une cause nationale". Lancée en avril 2022, elle a déjà rassemblé plus de 4.000 signatures. Pour lui il y a urgence, "la société tire les prix vers le bas" et "ne regarde pas la faiblesse" des revenus des agriculteurs.
"Les convergences sont possibles" entre syndicats agricoles : Mathieu Yon en est convaincu. Sa pétition met en avant trois points sur lesquels les différents ils se rejoignent. "Il ne s’agit pas de faire comme si on était d’accord, explique-t-il, il y a de moins en moins de paysans, ça devrait être un sujet, une cause commune, une cause nationale." Membre de la Confédération paysanne, il observe que "plus on monte dans la hiérarchie", plus le lien qui unit les agriculteurs "vient à disparaître". Sur le terrain, entre professionnels ils arrivent facilement à s'entendre.
En 1970, il y avait 1,6 millions de fermes en France, il y en a moins de 400.000 aujourd’hui, pour à peine 500.000 agriculteurs - c'est-à-dire des personnes qui dirigent ou co-dirigent une exploitation agricole. Cela représente 1,5% des actifs : il y a 40 ans, c’était 7,1%. Moins de paysans et des exploitations qui s’agrandissent. La taille moyenne d’une exploitation a augmenté de 50 hectares en 50 ans.
C'est "un agricide", selon Véronique Le Floc’h, éleveuse laitière en bio dans le sud de la Bretagne. Présidente de la Coordination rurale, elle dénonce "un plan social au niveau de l’agriculture". "Il est temps d’agir pour que ça s’inverse ! Pourquoi on n’y est pas parvenus encore ? C’est bien parce que nous les syndicats nous sommes un peu menés par nos politiques…" L'un des vice-présidents de la FNSEA abonde : "Il faut qu’on pèse davantage face à des politiques qui ne décident pas." Luc Smessaert, polyculteur éleveur dans l’Oise, rappelle que dans son département, un agriculteur a été condamné en mars dernier à verser 120.000 euros à des voisins gênés par le bruit et l’odeur de ses vaches…
Ce sera avec du revenu et des paysans nombreux qu’on arrivera à mener la transition écologique
Entre syndicats agricoles, il y a des sujets qui divisent comme la défense de l’agriculture biologique. "J’aurais aimé qu’on défende encore plus fortement cette filière de l’agriculture biologique qui nous semble importante en matière de transition, d’alimentation de qualité et d’environnement", regrette Nicolas Girod, éleveur dans le Jura et porte-parole de la Confédération paysanne.
Mais il y a des combats à mener ensemble, comme "la défense du revenu paysan", selon Nicolas Girod. "Ce sera avec du revenu et des paysans nombreux qu’on arrivera à mener la transition écologique, affirme-t-il, l’enjeu du revenu et du renouvellement des générations doit être central." Reste à savoir comment on génère ce revenu. "Ça fait quand même trop longtemps que ça dure, estime Véronique Le Floc’h, la PAC a été revue en 92 et depuis on n’a jamais se défendre pour ces prix rémunérateurs."
L'enjeu, pour Nicolas Girod, c'est de ne pas "accepter" la "mondialisation" comme une "fatalité". "Comment est-ce qu'on remet de la régulation, de la maîtrise, de la protection par rapport à des marchés de plus en plus libéraux, à une mondialisation... ?" Cela se joue notamment au niveau de l'Europe, selon Luc Smessaert, "on doit travailler avec les mêmes règles du jeu en France mais aussi en Europe..."
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